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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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comité directeur du mouvement. » Je l’écoute avec
une attention mêlée d’inquiétude. Je suis déconcerté
de constater qu’un mouvement de résistance entier
est constitué de rouges du Front populaire, responsables de la débâcle. Sans doute cette réflexion muette
se lit-elle sur mon visage. Il s’interrompt : « Je me
souviens de tes opinions d’avant-guerre. J’espère que
tu as évolué. En France, c’est le peuple qui résiste,
et le peuple est à gauche. »

    Ma sympathie pour Morandat et mes nouvelles
fonctions m’interdisent de répondre. Dois-je avouer
que je n’en ai même plus envie ? Moi qui ai tant
bataillé pour mon idéal, je me tais. Confusément, je
perçois que je ne suis pas seul à évoluer et que des
changements profonds ébranlent la France. Morandat
suit-il le cheminement de ma pensée ? « Tu verras,
en combattant avec le peuple, tu l’aimeras. Tu partageras son idéal. Je te connais  : tu es un homme de
liberté. » Veut-il me séduire ? N’y a-t-il pas d’autre
parti que ceux de gauche pour défendre la liberté ?

    Changeant brusquement de sujet, je l’interroge
sur les mouvements : « Pourquoi tant de désaccords ?

    — Mais parce, politiquement, ce sont des adversaires. »

    Morandat est impitoyable envers Frenay : « Pour
moi, c’est un fasciste. Certes, c’est le fondateur
d’un des premiers mouvements de résistance, mais
n’oublions pas qu’il appartenait au Deuxième Bureau
de l’état-major de Vichy et qu’il a recruté ses premiers adhérents parmi les membres de l’armée
d’armistice. De nombreux cadres de la Résistance
le soupçonnent de continuer de travailler avec le
Deuxième Bureau. Cette méfiance s’est transformée
en certitude lorsqu’on a appris, au début de 1942,
qu’il avait rencontré Pierre Pucheu à Vichy. Beaucoup
de militants ont rompu avec lui, même à l’intérieur
de son mouvement. D’Astier de La Vigerie a crié à
la trahison et abandonné les pourparlers en vue d’une
coordination des deux mouvements. Moi-même, j’ai
refusé de lui serrer la main pendant des semaines.
*Rex m’ayant demandé de me réconcilier avec lui en
m’assurant de sa bonne foi, j’ai accepté à regret. »

    J’objecte timidement que Bidault, qui n’a jamais
été fasciste, dirige aussi Combat. Il marque son
incrédulité : « Il est leur otage. D’ailleurs, il ne siège
à leur comité directeur qu’à cause de ses amis
démocrates, François de Menthon et Pierre-Henri
Teitgen, qui l’y ont fait entrer au début de l’année.
Frenay et lui se détestent.

    — Et la guerre dans tout ça ?

    — Mais c’est “ça”, la guerre ! Les résistants ne
sont pas des soldats qui se battent pour libérer le
territoire, ce sont des citoyens, c’est-à-dire des hommes libres. Ils ne sont au garde-à-vous devant personne. La majorité d’entre eux veulent faire la
révolution et liquider Vichy. »

    Une discussion politique sur le fond avec Morandatme semble prématurée. Durant le déjeuner, il ne parle
guère de *Rex. J’en suis soulagé : je crains qu’il ne
souhaite connaître mon jugement sur l’action qu’il
mène ou, pire, qu’il me révèle son identité. Autant
je suis curieux de celle des chefs, autant je préfère
ignorer la sienne ; en cas d’arrestation, je ne pourrai rien dire.

    Avant de nous quitter, nous évoquons le problème
de Jean Holley. Morandat me révèle les raisons de
son silence, non avouées à *Rex : depuis son arrivée,
il a perdu son schedule . Il faut donc en obtenir un
nouveau de Londres, ce qui prend du temps. Mais
cela n’a pas l’air de l’inquiéter outre mesure. Il me
quitte en riant : « Nous nous reverrons bientôt : il
faut que je te prenne en main ! »

    Samedi 22 août 1942

     

    Dîner chez les Moret

    C’est la première fois que nous sommes réunis tous
les quatre. Bien que nos relations soient très libres,
mes hôtes ont toujours fait preuve de la plus grande
discrétion. L’intimité du repas nous rapproche. Ils
évoquent leur existence d’avant-guerre. Au fil de la
conversation, le passé ressuscité nous entraîne loin
de cette chambre d’exilés et de mes alarmes permanentes.

    Mme Moret a passé la matinée à confectionner
un « festin » composé d’un poulet accompagné de
quelques légumes frais et d’une pâtisserie. Elle marque sa volonté d’honorer la France libre et de Gaulle à
travers un de ses modestes

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