Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
Vom Netzwerk:
pour prendre contact avec *Bar.W, qui
n’est autre que mon camarade Xavier Rouxin, parachuté peu de temps avant moi : son patron vient
d’être arrêté. *Rex, informé par le BCRA, souhaite le
récupérer à son service. Depuis mon arrivée, c’est
une joie de retrouver les camarades d’Angleterre,
qui maintiennent en France la solidarité singulière
de la France libre.

    Ne connaissant pas Avignon, je suis curieux de
visiter le palais des Papes et de contempler le pont
mythique de la chanson de mon enfance. J’y arrive
vers 1 heure de l’après-midi. D’après le plan de la
ville, mon camarade habite assez loin de la gare.
L’éducation familiale m’impose de ne jamais me présenter chez les gens aux heures des repas. J’ai doncune heure et demie environ pour flâner dans les rues
bordées de maisons anciennes, aux toits de tuiles
romaines. En marchant, je reconnais le charme
oublié des échoppes et des vieilles demeures bordelaises.

    À l’heure dite, quittant la vieille ville, j’entre dans
un quartier moderne, composé de villas entourées
de jardins. Au numéro indiqué, je pousse le portail
et sonne. Une jeune fille vient m’ouvrir. Je prononce
le mot de passe. Elle demeure interdite et me fait
entrer dans un vaste salon décoré de meubles anciens
de qualité : « Je vais prévenir maman. » Je me tiens
debout au milieu de la pièce lorsqu’une dame élégante y pénètre. D’un geste, elle me fait asseoir tout
en me regardant fixement. Je décèle une dureté
dans sa voix, qui contraste avec l’affabilité de son
visage : « Vous êtes un camarade de Xavier ?

    — Oui.

    — Il a été arrêté hier après-midi, ici même. »

    Mon sang reflue, et je deviens livide. Je me lève
brusquement en balbutiant : « Merci de votre
accueil. » On m’a enseigné en Angleterre que des
souricières étaient installées sur les lieux des arrestations. Brusquement, j’ai la certitude d’être cueilli par
la police à la sortie. Où fuir pour me mettre en
sûreté ? J’ai observé en arrivant qu’il n’y avait qu’une
seule entrée sur la rue. Heureusement, je n’ai sur
moi aucun papier compromettant. Malgré tout, je
sors de la maison le cœur battant, décidé à prendre
tous les risques afin d’échapper à la police. Je regrette
d’avoir laissé mon revolver à Lyon.

    Dehors, la rue est vide. Comme dans toute ville
du Midi, le dimanche, à cette heure, les gens font la
sieste, tous volets clos. Loin de me rassurer, cela
me paraît suspect. Dans quelle maison les policiersse sont-ils cachés, prêts à bondir et à m’arrêter ?
Attentif au moindre indice, je m’efforce de marcher
posément. Je me dirige vers la gare avec l’intention
de monter dans le premier train en partance pour
Lyon. Je me rassure en pensant que mon billet de
retour est dans ma poche.

    Après un trajet à pied qui me semble interminable, j’arrive sans encombre à la gare en dépit de
mes alarmes. Malheureusement, aucun départ n’est
prévu avant 5 heures. Je m’installe au buffet, espérant
me fondre dans la foule des voyageurs. En quittant
cette maison « brûlée », j’ai, pour la première fois,
appliqué les règles de sécurité enseignées en Angleterre : changer de trottoir, tourner brusquement dans
une rue, revenir sur mes pas, etc. Je suis à peu près
sûr que personne ne m’a suivi. Malgré tout, je reste
sur mes gardes. Comme on me l’a également appris,
j’attends que le train démarre pour monter, afin d’être
le dernier voyageur en partance. Quand il accélère,
je souffle un peu. Avec la vitesse, je retrouve enfin
la sécurité. À tout hasard, je demeure debout près
de la portière afin d’être prêt à sauter en marche.

    L’arrestation de Rouxin me bouleverse. À l’idée
de la prison, de la torture, ma gorge se serre et mes
souvenirs jaillissent. Notre apprentissage dans les
propriétés anglaises, nos interminables conversations du soir, au cours desquelles nous refaisions
le monde à partir de nos projets d’avenir pour la
France ; nos interrogations sur l’existence du mal,
en contradiction avec la bonté de Dieu ; notre foi en
la victoire, parfois voilée d’un doute : lequel d’entre
nous serait absent ?

    Je réfléchis aux imprudences commises depuis mon
arrivée. Je suis obligé de constater qu’à mesure que
les craintes des premiers jours se sont dissipées lesprécautions enseignées à Londres m’ont semblé inutilement

Weitere Kostenlose Bücher