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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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intéressé : « Savez-vous que j’ai connu deGaulle avant vous ? Il était colonel sous mes ordres. »
J’ai peine à croire que ce vieillard inoffensif ait pu
commander mon chef, visionnaire intraitable, à la
grandeur inaccessible !

    Comme le général Delestraint paraît heureux de
bavarder et prêt aux confidences, je me hasarde à
lui demander : « Comment était le général de Gaulle
quand il était jeune ?

    — Il n’était pas si jeune que ça à l’époque. Il avait
toujours des ennuis avec ses supérieurs à cause de
son arrogance et de ses théories militaires. Il fut
bloqué au grade de colonel jusqu’à ce que Weygand
le nomme, fin mai 1940, général de brigade à titre
temporaire. »

    J’ignorais ce détail. Comme mes camarades, j’avais
la certitude que de Gaulle était général depuis toujours, puisque, pour nous, il était né à Londres.
« C’était une forte tête, reprend le général. Quand il
estimait avoir raison, il ne pliait jamais. Il défendait
une doctrine révolutionnaire sur l’utilisation des
blindés et, à l’égard de ses supérieurs, manifestait le
style altier qu’il utilisait dans ses livres pour défendre ses idées. Ça n’a pas facilité sa carrière. Nous
avions des rapports d’estime. Personnellement, je
n’ai jamais eu à me plaindre de lui. »

    Lorsqu’il me demande mon arme et mon grade,
j’annonce fièrement : « Lieutenant. » Bien que je
ne sois que sous-lieutenant, ce n’est qu’un demi-mensonge, puisque c’est bien mon grade d’agent en
mission. Me raccompagnant cérémonieusement, il
ajoute d’une voix claironnante, en ouvrant la porte :
« Dites au représentant du général de Gaulle que je
serai heureux de faire sa connaissance. »

    Sur le chemin de la gare, je ne pense plus au
rendez-vous du 28 août, mais aux yeux myosotis duvisage enfantin qui m’a accueilli. J’ai quitté la
maison sans la revoir. Quel âge peut-elle avoir ?
Une vingtaine d’années peut-être ? L’âge n’est pour
rien dans sa carnation transparente, sa chevelure
blonde et la tendresse rieuse de son expression.
Accompagnera-t-elle son grand-père à Lyon pour
lui servir d’alibi ? Peut-être le général la confiera-t-il à
ma garde pendant son entretien avec * Rex ? J’échafaude un début de stratagème…

    Mardi 25 août

     

    Retour de * Rex

    À son retour du Midi, je ne dis rien à * Rex des
révélations de Morandat. Je lui parle simplement
des difficultés techniques que rencontre Holley et
lui propose, en attendant, de recevoir moi-même
son schedule et de le remplacer auprès de lui tout
en commençant mes propres émissions. « Attendez
d’avoir étoffé votre secrétariat, me répond-il. Vous
n’avez ni courrier ni bureau. Installez-vous d’abord ;
après, on verra. » * Rex a raison : chaque chose en son
temps.

    Je lui transmets la réponse positive du général
Delestraint pour le rendez-vous du 28. Il me demande
d’organiser la rencontre. Je ne connais à Lyon que
deux personnes ayant un appartement, Mme Moret
et Mme Bedat-Gerbaut. Dans la boîte de cette dernière, je trouve un billet laconique : « Pouvez-vous
monter me voir. Merci. » Sa boîte est-elle brûlée ?

    Arrivé sur le palier, j’entends à travers la porte
le déchiffrage hésitant d’une partition musicale :elle donne une leçon. Je sonne ; le piano s’arrête ;
elle m’ouvre. Toujours aussi sereine, elle me fait
entrer dans sa chambre, dont elle ferme soigneusement la porte : « Le garçon dont je vous ai parlé
accepte le travail que vous m’avez indiqué. Si vous
voulez le voir, je l’inviterai ici. »

    Je l’aurais embrassée tant cette nouvelle me fait
plaisir. Cette recrue va me permettre enfin d’organiser
mes journées, devenues harassantes. Je lui demande :
« Êtes-vous sûre de lui ?

    — Je ne l’ai jamais rencontré, mais je donne des
leçons à sa sœur Dominique, une élève douée, très
bien élevée. Il s’appelle Hugues Limonti et est ouvrier
chez Berliet. Il s’est mutilé volontairement la main
afin d’échapper à laRelève 8 en Allemagne. »

    Ce détail est pour moi un certificat de résistance.
Je lui fixe un rendez-vous et lui demande si elle
accepterait d’héberger des réunions. Elle acquiesce,
en me demandant de sa faible voix  : « Prévenez-moi
seulement un peu à l’avance, à cause des leçons. » Du
coup, j’augmente encore mes exigences : Accepterait-elle aussi

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