Alias Caracalla
de ce succès, * Rex me
demanda d’organiser un rendez-vous avec le député
d’Alsace Robert Schuman, qu’André Philip lui
avait demandé d’envoyer à Londres pour s’occuper
des questions concernant également les Alsaciens-Lorrains.
Depuis mon arrivée, j’ai maigri de quelques kilos ;
je vis sur les nerfs. Le marché noir est trop cher
pour ma mensualité. Je survis grâce à Cheveigné,
qui se moque gentiment de moi : « Tu attends quoi,
d’être mort pour en parler ? Il ne te mangera pas. »
Ce soir, je traverse la place Bellecour avec * Rex,
qui, justement, m’interroge : « Comment se porte
votre équipe ?
— Pas très bien.
— Pourquoi ?
— Parce que notre budget est insuffisant. Le marché noir est hors de prix. De plus, mes camarades
ont besoin d’un vestiaire, en particulier de chaussures, et surtout * Germain, qui est ouvrier. »
*Rex ne me laisse pas achever et reprend sa marche : « Prenez chaque mois ce dont vous avez besoin
pour vivre. Nous ferons les comptes à la fin pour
voir ce que vousdépensez 18 . »
Dimanche 13 septembre 1942
Courrier n o 14
*Rex me donne à coder un nouveau rapport. Il
reprend en détail certains renseignements sur la situation des Juifs, dont Bidault l’a informé, puis développe les informations que je lui ai apportées après
ma rencontre avec * Crib. Comme toujours, j’en
apprends beaucoup sur l’activité des mouvements,
ainsi que sur les entrevues avec le général Delestraint
et M e Kalb.
Ce dernier s’est engagé à communiquer toutes les
informations qu’il obtiendrait auprès de ses compatriotes récemment évadés. Il s’agit d’une ouvertureprécieuse sur une province difficilement accessible.
*Rex l’a interrogé sur la qualité de la propagande de
la BBC en direction des Alsaciens-Lorrains. Kalb
l’estime satisfaisante dans l’ensemble. Toutefois, il
souhaite que l’on énonce plus fréquemment de
vibrantes affirmations sur la victoire des Alliés et le
retour de la province à la France.
M e Kalb recommande également de ne pas exagérer les émissions en dialecte, car les Alsaciens
se flattent de parler français. Il juge nécessaire de
prouver la désaffection des Alsaciens et Lorrains à
l’égard de Pétain et de Vichy. De ce fait, la BBC
devrait insister sur leur attachement indéfectible à
la France combattante.
Samedi 19 septembre 1942
Rencontre * Rex- * Salm
Depuis que * Rex m’a demandé de rencontrer * Salm,
il m’a fallu plus d’un mois pour organiser le rendez-vous, bien que tous deux soient des agents du commissariat à l’Intérieur, habitent la même ville et
soient reliés à André Philip par radio. En réalité, ils
ne se connaissent pas, non plus qu’ils ne savent
quelle est la mission del’autre 19 . Le commissariat à
l’Intérieur, après quelques mois d’existence, avaitjugé que la mission de * Salm était sans intérêt. Du
moins, telle qu’il l’accomplissait. C’est pourquoi, le
14 août 1942, Philip avait proposé à * Rex de mettre
*Salm sous ses ordres.
Afin de préparer cette rencontre, le même télégramme réclamait d’urgence une adresse et un mot
de passe pour organiser la prise de contact. Du fait
de la saturation du trafic, ce télégramme n’arriva
que trois semaines plus tard, le 5 septembre. Trois
jours auparavant, le 2, je reçus un télégramme répétant celui du 14 août et rappelant que * Salm possédait un « bon radio », en contact permanent avec la Home Station . Il proposait donc de le mettre au service de * Rex.
Après avoir déchiffré le câble, mon premier mouvement fut d’avouer à * Rex que j’avais retrouvé
*Salm.W (Maurice de Cheveigné) depuis un mois et
que nous déjeunions ou dînions ensemble plusieurs
fois par semaine. Par son intermédiaire, il pouvait
donc rencontrer immédiatement * Salm, son patron.
Cependant, par crainte de sanctions, je préférai garder le silence, redoutant que cet aveu ait des conséquences imprévisibles pour nous deux.
Durant cette période, * Rex était parti sur la Côte
d’Azur en compagnie de Jean-Pierre Lévy dans
l’attente du sous-marin qui devait les conduire à
Londres. La liaison quotidienne avec mon patron
était assurée par Yvon Morandat, organisateur de
l’opération. Le 5 septembre, je fis transmettre à * Rex
les deux câbles du BCRA. Je ne reçus sa réponse
qu’une semaine plus tard, le 12 septembre. Il me
demandait
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