Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
Vom Netzwerk:
s’arrête, m’obligeant
à le regarder : « Tu ne me demandes pas pourquoi ?
Elle s’est mariée parce qu’elle attend un enfant. » Je
tourne la tête brusquement et accélère le pas. Je ne
veux pas qu’il aperçoive mon désarroi. Mes yeux
restent secs, mais ma gorge est tellement nouée que
je crains de ne plus jamais parler. Je suis reconnaissant à Blanquat de rester silencieux jusqu’à notre
retour chez lui.

    Peu de temps après notre arrivée, Carquoy arrive
en sifflotant : encore invisible dans l’entrée, je reconnais là sa bonne nature. Pourtant, lorsqu’il pousse
la porte de la chambre et m’aperçoit parlant avec
Blanquat, il s’arrête, pétrifié. Puis, sa vitalité reprend
le dessus, et il se jette dans mes bras : « Je te croyais
en Angleterre ! » hurle-t-il de sa voix de stentor.

    Je dois avoir l’air terrorisé en lui montrant la
porte. « Ne t’inquiète pas, ici tu ne risques rien. »
Comme pour me prouver qu’il ne ment pas, il sort
de sa poche un énorme revolver qu’il jette négligemment sur le lit. Quelle imprudence pour un résistant
de se promener dans la rue avec une arme aussi
voyante !

    « Quand j’ai appris que tu étais à Londres, j’ai cru
qu’on t’avait retenu comme otage ou comme prisonnier. Dis-moi, sérieusement, qu’est-ce que tu
foutais là-bas ? » Je résume mon aventure : de Gaulle,
les chasseurs, ma mission. Malgré moi, je ne peux
évoquer ce passé récent sans une certaine émotion.
Je découvre soudain qu’en dépit de leur affectueuse
curiosité ils sont hostiles à mon engagement.

    J’ai à peine fini que Carquoy lance vivement :
« Tous les Juifs et leurs amis du Front populaire
sont partis à Londres pour se planquer. Ce sont des
lâches ! Ils sont à l’abri avec leur fortune et attendent de rentrer dans les fourgons de l’étranger. Mais
cette fois, il n’y aura pas de retour ; nous les empêcherons de nuire à la France. » Il ajoute qu’il vient
de participer à une rafle de Juifs.

    À cet instant, je pense à mes camarades chasseurs qui se battent en Libye, à ceux qui sont en
mission avec moi, à Rouxin arrêté, à ce Juif traqué
qui, en toute confiance, a dormi dans ma chambre.

    « C’est de la propagande ! répliqué-je rageusement.
Comment pouvez-vous croire à de pareils mensonges ? En Angleterre, la quasi-totalité des Français
libres sont des Bretons : ils sont engagés dans toutes
les batailles. Quant aux Juifs, ce sont des innocents
pourchassés par Vichy, dont les évêques eux-mêmes,
et celui de Toulouse en particulier, ont condamné
la politique à leur égard. »

    La réplique ne se fait pas attendre  : « Et Schumann,
s’exclame Blanquat en riant, c’est un Breton ?

    — Quel que soit le nombre de Juifs dans la France
libre, ils ont le droit de se battre, en tant que Français,
pour la liberté de leur patrie, puisque les Français
de métropole, eux, sont assez lâches pour ne rien
faire.

    — Tu ne serais pas un brin naïf ? Les Juifs ne se
battent pas : ils t’envoient au casse-pipe. Tu finiras
au trou. »

    Nous avons autrefois bataillé en commun ; nous
étions tous des patriotes. Aujourd’hui, notre passion
est intacte, mais notre idéal diverge. La priorité
n’est plus d’étrangler la Gueuse mais de libérer la
France. J’ai trop besoin de leur collaboration pourne pas tenter de les convaincre. Je me jette alors dans
une déclaration solennelle : « Vous me connaissez.
Comment pouvez-vous croire que je me serais engagé
dans cette aventure si la France libre était la horde
abjecte que vous décrivez. Je vous conjure de me
croire, je n’ai pas changé. De Gaulle est l’un des
nôtres ; il faut gagner la guerre ! »

    Leur réplique me laisse peu d’espoir : « Si les
démocraties gagnent, dit Blanquat, il sera trop tard
pour nous défendre contre les Juifs. Le Maréchal
est peut-être gâteux, mais il fait du bon travail. Il nous
débarrasse du “peuple élu”, ce chancre mortel. »

    Ai-je été trop naïf ? En venant ici, je n’ai pas
imaginé une seconde un tel désaccord entre nous.
Pourquoi ne comprennent-ils pas que l’obligation
première est de nous débarrasser des Allemands ? L’Action française l’a écrit le 17 juin 1940. Pourquoi
ne voient-ils pas que ce sont les Boches qui tiennent
la France en esclavage, et pas les Juifs ? Choqué par
leur antisémitisme, ma conclusion est sans appel :
il y a des innocents à

Weitere Kostenlose Bücher