Alias Caracalla
zone occupée, dont je ne connais que
des bribes grâce aux confidences de * Frédéric. Si le
Débarquement a lieu sur les côtes de la Manche,
c’est la zone occupée qui jouera le rôle décisif sur
les arrières des Boches. L’Armée secrète en zone
libre servira-t-elle à quelque chose si loin des opérations ? Le problème est qu’en zone occupée il ne
semble pas y avoir de projet d’AS. * Rex reste muet
sur ce point.
En fin d’après-midi, j’apporte le rapport codé à
Schmidt et rejoins * Rex au restaurant. Nous sommes les premiers. Bidault arrive avec une note sur les
grèves pour la joindre au courrier. Il nous apprend
que la BBC a passé une information sur l’arrivée en
zone libre de la Gestapo, mais rien sur la grève des
cheminots, en dépit de plusieurs télégrammes qu’il
a expédiés. Peut-être s’agit-il de ceux remis à Brault.
Il ne comprend pas que Maurice Schumann ait
incité les Français à suivre les « consignes d’action »,
puisque de Gaulle reste muet alors que les ouvriers
attendent de sa part des appels à la grève générale.
Du coup, Bidault est pessimiste : si Vichy ne commet
pas d’erreur, tout rentrera dans l’ordre. « C’est une
occasion décisive de perdue pour la Résistance. »
*Rex lui fait part de sa rencontre avec Morandat
ce matin : « Il est débordé par les événements.
Comme d’habitude, il vibrionne, et tout le monde
ignore ce qui s’est réellement passé. » Le mécontentement de * Rex porte sur un point précis : il a financé le
MOF pour regrouper et diriger la Résistance syndicaliste. Or le MOF est absent des grèves.
Au-delà de cet échec, * Rex s’inquiète du retour en
force du parti communiste et de son épigone, le Front
national. Morandat a été incapable de lui expliquer
pourquoi leurs signatures étaient mêlées à celles des
mouvements. Il s’indigne de surcroît d’une manœuvre
puérile : « Les tracts adressés aux “patrons français”
ne comportent pas la signature du parti communiste, mais seulement celle des trois mouvements, à
la différence de ceux destinés aux ouvriers, où elles
figurent toutes. Prennent-ils les patrons pour des
imbéciles ? »
*Rex estime que les tracts devraient être tous
signés des seuls mouvements ou tous avec le PC et leFront national : « Ce n’est pas en louvoyant qu’on
ralliera le patronat au combat patriotique. » Il ajoute :
« La situation étant ce qu’elle est, il faut agir enconséquence 9 . » Je connais bien cette réaction :
après un mouvement d’humeur polémique qui semble l’apaiser, il formule une conclusion pragmatique. Il suffit de le savoir et d’attendre.
Après dîner, nous rentrons à pied. Je profite de sa
décontraction pour lui communiquer un projet
que je mûris depuis quelque temps : acheter une
bicyclette, ce qui me ferait gagner beaucoup de
temps dans mes déplacements. J’estime le coût à
3 000 francs, plus du double de mon ancien salaire.
*Rex me donne aussitôt son accord et me félicite de
cette excellente idée.
Le lendemain, j’en parle à M. Moret, mon pourvoyeur de tout à Lyon. Habitué du marché aux puces,
où il trouve toutes sortes d’objets utilitaires devenus rares, il est le seul à pouvoir m’aider. Quelques
jours plus tard, il déniche une belle occasion au
prix indiqué.
Mon existence est transformée : je vole d’un quartier à l’autre de la ville dans les plus brefs délais,
doublant mes possibilités d’action. Cela équivaut au
moins à un courriersupplémentaire 10 .
Dimanche 25 octobre 1942
Un radio accuse Londres
*Rex n’ayant pas levé l’interdiction des émissions
radio à Lyon, toutes les opérations aériennes et maritimes du mois d’octobre sont annulées. Morandat n’a
donc pas pu partir comme prévu. Aucun courrier
n’est expédié, et nous ne recevons ni directives, ni
argent, ni armes.
En discutant avec Fassin et Schmidt des difficultés rencontrées par les opérateurs au cours de
leurs émissions, je leur ai suggéré d’établir un rapport complétant celui que j’ai rédigé avec Cheveigné.
J’ai bon espoir que l’autorité d’un chef d’opérations,
pour qui le trafic radio est vital, brisera l’indifférence de Londres.
Fassin me remet son rapport aujourd’hui : « À
mon départ, il m’a été bien précisé que la liaison
radio était extrêmement importante. Je crois avoir
fait de mon côté tout ce qui était dans mes
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