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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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très loin, je
choisis de m’y rendre à pied pour prendre l’air.

    Avant d’arriver à l’Opéra, je bifurque vers la place
des Cordeliers. Je suis exact au rendez-vous, non
loin de sa chambre, dont j’ignore l’adresse. Je le vois
arriver chargé d’un volumineux sac de montagne.
Mystérieux, il ne dit mot de notre destination, ni de
ce qu’il attend de moi : « On va traverser le Rhône
sur la passerelle. Il n’y a personne ; nous serons
tranquilles. » Je suis habitué à son caractère espiègle, mais, à cette heure tardive, je ne peux croire
qu’il s’agisse d’une farce.

    Le silence alentour est impressionnant. Au milieu
de la passerelle faiblement éclairée il s’arrête, scrute
les environs et attend quelques secondes. Je l’aide à
se dégager du sac. Il l’ouvre et, après en avoir extrait
un volumineux paquet, s’approche de la rambarde
et le jette dans le fleuve. En dépit de son volume, le
paquet semble léger et tombe lentement avant de
toucher l’eau. Nous nous penchons pour le suivre
des yeux jusqu’à ce qu’il soit englouti dans un tourbillon. Cheveigné referme posément le sac, qu’il remet
sur son dos : « Merci de ta présence. À demain. »

    Exaspéré par cette pantomime inutile et le temps
précieux que j’ai gaspillé, je lui en veux et le lui dis.
Il me regarde avec sa mine espiègle : « C’était mon
parachute. »

    Dimanche 18 octobre 1942

     

    Rapport de * Rex

    Je me présente chez * Rex avec moins de documents
qu’à l’ordinaire. L’absence de Frenay et de D’Astier
plonge les mouvements dans une sorte de léthargie.
De surcroît, après l’ordre de * Rex d’arrêter les émissions radio, il n’y a plus de télégrammes.

    *Rex achève son petit déjeuner lorsque j’arrive.
L’essentiel des papiers que je lui présente concerne
l’Armée secrète (AS). Il en prend connaissance avec
cette attention particulière qui donne à son regard
une consistance étrange, comme si les mots défilaient dans ses yeux avant de s’imprimer dans son
cerveau. C’est la première fois qu’il reçoit des rapports aussi détaillés sur l’AS. Deux d’entre eux sont
rédigés par * Mechin 7 , le chef d’état-major. Ils concernent la nature de l’organisation et les problèmes de
l’AS. Le second est un état statistique des troupes.
Les chiffres correspondent à l’impression que je
ressens depuis mon arrivée : l’AS est squelettique et
non opérationnelle, faute de volontaires, d’organisation, d’armement.

    La troisième note, rédigée par * Lebailly, concerne
« le rôle et l’esprit de l’AS ». Ces observations sont
le résultat de discussions, amorcées depuis longtemps, dont je n’ai jamais entendu parler. Jusqu’à
présent, j’ai eu peu de relations avec les militaires
de la Résistance, et mes conversations avec Schmidt
et Fassin expriment surtout le mépris à l’égard des
prétentions militaires des mouvements. Elles neconcernent que les parachutages, l’armement ou tel
ou tel sabotage, ainsi que les incidences politiques
des difficultés d’organisation de leurs missions. Tous
deux sont littéralement déchaînés contre les états-majors et les militants de la Résistance qui sèment
d’embûches leur travail.

    Avant de remettre les rapports à * Rex, j’en ai pris
connaissance, comme d’habitude. Parfois, après me
les avoir rendus pour destruction ou archivage, il
me pose abruptement des questions à leur sujet, me
demandant de lui rappeler tel ou tel point précis.
Je me dois d’y répondre en détail. J’ai rapidement
compris que, dans le travail, il n’admettait aucune
approximation.

    Le problème est posé dès la première phrase de
*Lebailly : « Ce qui frappe au premier abord, c’est
l’absence de précision quant au rôle de l’AS et, au
moment de son intervention, quant à sa préparation matérielle et morale. » Tout est dit de ce que
j’ai compris par d’autres voies depuis mon arrivée.

    Il note que les « éléments actifs » de la Résistance
se trouvent sur une voie de garage. Il souligne que
sa participation nécessaire à la Libération ne consiste
pas en la lecture d’un journal clandestin accompagnée de quelques activités de propagande : « C’est
en luttant qu’on devient combattant. » L’AS doit être
« convaincue d’avoir une mission politique intérieure, celle de rétablir un régime de liberté ». Pour
*Lebailly, ce programme ne peut être réalisé

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