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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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m’ennuie. Bidault, lui,
avec ses trouvailles littéraires, ses méchancetés irrésistibles et sa cocasserie, est toujours captivant.
Visiblement, * Rex ne partage pas ma sévérité, et je
m’étonne de le voir intéressé par ce discours insipide. Je sens même une connivence entre lui et
Lacoste. Une hypothèse me saisit : et si * Rex était
un dirigeant important de la CGT ?

    Lacoste présente son projet à partir de la situation actuelle, qui n’est pas brillante : peu de cadres
syndicaux, et des ouvriers physiquement fatigués
par la sous-alimentation. Son programme consiste
à étoffer les cadres, recruter des militants, des jeunes en particulier, et chercher dans les mouvements
ceux qui peuvent s’intéresser à la vie syndicale. Je
découvre que derrière le bouillonnement révolutionnaire de ces derniers jours, tout reste à faire et
que Morandat masque le néant de son action derrière
le lyrisme de ses déclarations. Lacoste, ennuyeux,affronte, lui, une situation concrète. Pour accomplir la tâche qu’il se fixe, il souhaite la création de
journaux et de tracts afin de maintenir une liaison,
à l’imitation des communistes : informer, mais
d’abord éduquer.

    Après l’avoir écouté, * Rex expose son point de
vue : lui aussi a un projet. Il propose la création
d’un organisme léger, spécialement consacré à la
Relève, au-dessus des mouvements, des syndicats et
des partis : en quelque sorte un état-major qui dirigerait les opérations de solidarité et les initiatives.

    Ce projet apporte une nuance de taille aux espérances des mouvements et, sans doute, des syndicats : « Il ne s’agit pas de subventionner les grèves,
mais de secourir ceux qui en sont les victimes directes. Dans certains cas particuliers, il faut apporter des
secours temporaires à ceux qui désirent se soustraire par leurs propres moyens à la réquisition. »
Ce subside peut sembler dérisoire à ceux qui attendent tout de De Gaulle ; il correspond hélas aux
maigres, très maigres finances de la France libre.

    Je perçois une certaine déception chez Robert
Lacoste. Imperturbable, le patron poursuit en souhaitant un « Comité directeur, composé d’un représentant du MOF, dirigeant les débats, et d’un
représentant de chacun des mouvements » (Combat,
Franc-Tireur, Libération et le parti communiste).
« Naturellement, ajoute-t-il avec un sourire engageant,
si ce projet vous intéresse, vous serez le représentant du MOF et la seule autorité reconnue qui tranchera en dernier ressort. »

    Lacoste semble satisfait : « Je serais heureux de
vous apporter mon concours si vous croyez que je
peux vous être utile. » En dépit de divergences évidentes, il souhaite clairement un accord avec * Rex :ce dernier a vu juste. On est loin de l’affolement
provoqué quelques jours auparavant par l’explosion
anarchique de la grève et par la mainmise des communistes. Il est vrai que Frenay et d’Astier de la
Vigerie, les deux « trublions » de la Résistance, sont
à Londres ; de ce côté-là, * Rex a la paix.

    Plus j’observe mon patron dans ses relations avec
les responsables, plus je constate l’emprise de son
autorité. Elle consiste en un mélange de curiosité,
de gentillesse et de respect des convictions de ses
interlocuteurs, prouvant qu’ils sont compris. Je crois
que ce mélange de simplicité et de compassion fait
tout son charme. Une fois de plus, il opère :
Lacoste accepte de jouer le jeu, satisfait du projet
de * Rex de mettre entre les mains d’un « professionnel » du syndicalisme ce qui était dans celles d’un
« amateur ».

    La rencontre est terminée. En sortant, * Rex prononce la phrase rituelle : « Voyez avec * Alain l’organisation des liaisons les plus sûres et les plus
rapides. » Puis, se tournant vers moi  : « À demain. »

    J’ai hâte de rentrer chez moi  : je suis épuisé. Plusieurs fois j’ai voulu expliquer à * Rex la perte de
temps que représente ma présence à ses rendez-vous et surtout à ses dîners ; je n’ai jamais osé. Face
à lui, je me « dégonfle ». Conditionné par deux ans
de discipline militaire, je respecte la hiérarchie : je
suis un petit soldat aux ordres.

    Ce soir, je suis particulièrement soucieux de
constater que les invitations de * Rex disloquent
l’organisation de ma journée. J’ai encore rendez-vous avec Cheveigné à 11 heures place des Cordeliers,au centre de Lyon. Comme ce n’est pas

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