Alias Caracalla
lettres destinées à Herriot, Jeanneney,
Jouhaux, etc. C’est l’entourage du Général qui lui a
demandé de les rédiger. J’y ai jeté un coup d’œil :
ses conseillers sont irresponsables, spécialement
quand ils lui suggèrent d’utiliser des termes pressantsafin de convaincre les destinataires. Le Général a
certes besoin des caciques de la République, en
ce moment particulièrement, mais pas à n’importe
quel prix. »
Nous arrivons place des Terreaux : « Si les politiques sont assez immoraux pour oublier où est leur
devoir et assez sots pour ne pas reconnaître leur
intérêt, il sera toujours temps de les appâter avec ces
lettres. Ils les conserveront précieusement et s’en serviront le moment venu pour exiger des places qu’ils
n’ont pas méritées. Conservez-les dans vos archives
jusqu’à ce que je vous donne mes instructions. »
En le quittant, je rentre chez moi pour trier les
papiers qu’il m’a remis et dont je ne conserve que
les instructions à décoder. Après quoi, je vais déposer les lettres de De Gaulle chez Mme Moret. Hélas,
avec le froid, elle a allumé le Mirus, ce qui m’oblige
à cacher les archives sous le lit de Suzette.
Le courrier n o 15 du 16 novembre est volumineux.
Depuis quatre mois, les instructions se sont accumulées dans les services de Londres faute d’avoir
pu être expédiées. Celles d’aujourd’hui en sont la
synthèse, rédigée après le débarquement enAfrique 13 ,
mais avant l’entrée des Allemands en zone sud.
Le rédacteur s’y montre prudent, conscient de
surcroît qu’elles risquent d’être dépassées sur certainspoints 14 . Il laisse à * Rex le soin de les adapter à
la situation réelle. C’est d’ailleurs le sens de la lettre
à mon patron du Général, qui lui donne toute latitude dans l’application des mesures à prendre. Je
suis impressionné de tenir entre mes doigts un
autographe de De Gaulle et fier de servir l’homme à
qui il écrit : « Je tiens à vous redire que vous avez
mon entière confiance et je vous adresse toutes mes
amitiés. »
Je commence le décodage. Malheureusement, en
dépit de mes efforts, le chapitre I et l’annexe I demeurent indéchiffrables. Comme toujours, c’est une perte
de temps irritante : parce que je crains d’avoir commis une faute d’inattention, je dois recommencer
plusieurs fois la procédure avant d’y renoncer. Heureusement, ce travail fastidieux n’émousse pas ma
curiosité. Je suis frappé du ton et de certains détails
des directives, qui me laissent à penser que la guerre,
enfin, va commencer.
Le chapitre consacré à la réorganisation du personnel radio me concerne directement. Il indique,
pour la première fois, l’organigramme des agents
du BCRA en mission sous les ordres de * Rex, sept personnes au total : trois officiers de liaison (ils organisent les opérations aériennes et maritimes, le stockage
et la distribution des armes, l’instruction militaire
et les sabotages), un saboteur et trois radios.
Faisant volte-face, les Anglais acceptent enfin d’utiliser les opérateurs recrutés et formés par nos soinsaux procédures britanniques. Pour appliquer ces
consignes, le BCRA annonce le parachutage de*Nestor 15 . Enfin, le service propose un nouveau plan
de répartition de ce personnel, dont * Rex demeure
seul juge.
Jusqu’à présent, les opérateurs radio étaient affectés
à un seul agent, dont ils portaient l’indicatif, suivi
de la lettre W. Le nouveau plan du BCRA regroupe
les radios dans un service commun, indépendant
des officiers de liaison, afin d’assurer leur dispersion géographique, améliorant d’autant la sécurité.
Chaque opérateur aura à sa disposition, non pas
un poste unique, comme actuellement, mais une
batterie de trois postes, ce qui évitera les transports,
le même quartz étant utilisé sur n’importe quel
poste. En outre, les Britanniques nous promettent
quarante-huit postes en tout, soit l’équivalent de seize
batteries, avant la fin de l’année. * Nestor, le nouvel instructeur, devra donc recruter et former seize
opérateurs.
Ce projet me paraît fabuleux, comparé aux trois
malheureux postes servis par Cheveigné, Briant
et Holley. Malheureusement, ce plan mirobolant ne
modifie en rien la situation actuelle, qui est catastrophique, même si le service annonce le parachutage d’un quatrième opérateur, * Frit.W 16 .
*Sif.W sera affecté aux opérations aériennes ; Holley
au
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