Alias Caracalla
des
groupes qui n’existent plus sont les plus difficiles.
— Peut-être, mais j’ai confiance : c’est pour eux
une occasion unique de rappeler leur existence après
deux ans d’oubli. Il ne s’agit pas de leur offrir un
avenir contre leur passé, mais de rappeler qu’ils ont
existé. Il n’y a rien à négocier.
— Ne croyez-vous pas qu’ils exigeront une contrepartie à leur signature ?
— Sans doute, mais je ne leur donnerai rien pour
l’avenir. Je crois qu’ils céderont. Quel que soit le
moment, les politiques sont toujours compliqués :
ils attendent un résultat. »
Finalement, seuls les communistes sont incertains.
*Rex me demande de les revoir rapidement.
Samedi 14 novembre 1942
Darlan, l’« expédient provisoire »
Depuis une semaine, il est malaisé de distinguer la
vérité parmi les rumeurs foisonnantes. Aujourd’hui, le
flou se dissipe. Nous apprenons par Bidault puis
par les journaux que l’amiral Darlan est devenu le
seul chef reconnu de l’empire et des forces françaises. Depuis trois jours, au nom du maréchal Pétain
« empêché », il assume une autorité de fait sur
l’Empire français et contrôle les organismes administratifs de Vichy. Le régime du Maréchal change
de capitale, la Résistance aussi : pour les Américains,
elle quitte Londres pour Alger. Suprême dérision !
Pendant que * Rex achève sa toilette, je lui lis les
titres et quelques articles de la presse matinale. Il
écoute en silence. Après s’être habillé, il s’assoit
pour prendre son petit déjeuner.
Tout autant que la promotion de Darlan, il juge
celle de Giraud scandaleuse. * Rex a déjà répondu à
mon étonnement : « Darlan trahit depuis longtemps :
il est disqualifié. Giraud, c’est plus grave. Il n’est pas
compromis dans la politique de Vichy puisqu’il
était prisonnier en Allemagne. Son évasion l’a transformé en héros. C’est une carte inespérée pour les
Américains. Aujourd’hui qu’il est chef des armées, il
incarne une force militaire incommensurable avec
les FFL. »
Il termine son ersatz de café et ajoute : « Il possède un autre avantage aux yeux des Américains : il
est ignare en politique, à l’opposé de Darlan, qui
est le symbole du cynisme. » Songeur, il s’enfermeensuite dans le silence. N’osant le déranger, je regarde
par la fenêtre.
Il reprend, à mi-voix : « Il est regrettable qu’au
moment où le Général a besoin des chefs des mouvements, les plus cabochards d’entre eux soient à
Londres et assistent à sa déconfiture. Je leur fais
confiance pour exploiter la situation. »
De Gaulle est-il donc fini ? À mesure que les jours
passent, les Américains révèlent leurs sentiments à
son égard : s’ils doivent débarquer prochainement en
France, il est manifeste qu’ils « s’arrangeront » avec
Pétain. Quel crime ! De Gaulle a prouvé une fidélité
sans faille aux Alliés en ressuscitant l’armée française
pour combattre à leurs côtés. Calomnié, vilipendé,
condamné à mort par Vichy, il est aujourd’hui supplanté par le pire de ses chefs : Darlan, symbole de la
collaboration, l’homme qui a proposé à Hitler de
mettre les soldats français à ses ordres pour combattre les Alliés !
Je comprends mieux désormais les révélations de
*Rex à propos de la condamnation de De Gaulle par
Roosevelt.
Dans la journée, * Lorrain rencontre * Rex pour lui
révéler l’équipée du général de Lattre de Tassigny,
seul officier de l’armée d’armistice à avoir tenté de
résister lors de l’arrivée des Allemands en zone sud :
il a quitté ses casernes pour s’établir dans les montagnes. Il a été abandonné en cours de route par
son état-major et ses troupes, et les gendarmes l’ont
piteusement arrêté. Un membre de Combat qui le
connaît lui a offert de s’évader, après avoir ligotéses gardiens. De Lattre a refusé, déclarant faire
confiance au Maréchal pour lui rendre justice.
*Rex commente : « Le syndrome de 40 a encore
frappé ! »
J’ai organisé pour cet après-midi son rendez-vous
avec le colonel de Linarès au parc de la Tête-d’Or.
Curieusement, Giraud est parti sans le prévenir, lui,
son chef d’état-major. Pis, il n’a aucun moyen de le
rejoindre à Alger. * Lorrain l’a désigné à * Rex comme
un otage de qualité.
*Rex a compris le parti que de Gaulle pourrait
tirer de cette situation humiliante. Après sa rencontre
Weitere Kostenlose Bücher