Alias Caracalla
politiques, des mouvements et des syndicats. Tous prétendent représenter la France résistante ; tous sont antiallemands ; tous préparent le
remplacement du régime de Vichy par la République ;
tous militent pour une épuration afin de constituer
un gouvernement de transition ; enfin, sous une
forme ou sous une autre, tous prétendent s’imposer
comme conseil politique au Général.
Bien entendu, ils reconnaissent son autorité, mais,
comme le fait observer * Rex, « en dépit de leurs
déclarations, quand une assemblée décide de représenter la nation sans avoir été élue, c’est rarement
pour offrir le pouvoir à un homme qui lui est étranger ».
Le patron est conscient que le débarquement en
Afrique du Nord a bouleversé les conditions de la
Libération ; ne serait-ce qu’à cause du rôle primordial des Américains, puisque les Français attendaient
jusque-là tout des Anglais.
Depuis l’armistice, la rupture politique s’incarnait dans de Gaulle ; à présent sa légitimité est
niée au profit des hommes de Vichy. « En clair,
commente * Rex, le représentant de la nation, lors du
Débarquement en France, sera le maréchal Pétain.
C’est à ce défi que nous devons répondre. »
L’analyse de * Rex lance la discussion : quelle estla solution ? Selon Manuel, le BCRA ne peut intervenir auprès de * Francis pour mettre un terme à
son initiative : « Dès son arrivée à Londres, il y a dix
mois, nous avons constaté son ambition politique,
son désir de jouer un rôle de premier plan. L’autorité du service se limite au chef du réseau de renseignements. Le fondateur de Libération a donc toute
liberté pour réaliser son projet, et nous ne pouvons
nous y opposer.
— Et le groupe * Froment- * Danvers ? demande * Rex.
— Vous avez constaté sa volonté d’être reconnu
comme mouvement de résistance, avec tous les
avantages que cela comporte. Vous avez entendu
également sa menace de retirer ses militants des mouvements. Dès sa formation, nous avons combattu son
activité politique, mais notre autorité sur lui a les
mêmes limites que sur * Francis.
— La force du CAS, intervient Bidault, tient à l’aval
de Léon Blum. Il a lui-même expliqué au Général son
désir de ranimer les anciens partis puisque, selon
son slogan, il n’y a “pas de démocratie sans parti”.
C’est avec lui que vous avez des difficultés parce
qu’il s’appuie sur le reliquat de la SFIO, qui n’est
pas négligeable. »
*Rex est d’accord avec ces analyses : ses rencontres, dont celle de la veille, l’ont conduit au même
constat. « J’attire néanmoins votre attention, précise-t-il, sur un détail qui m’a frappé : tous leurs projets
sont imprécis quant aux rapports avec le Général.
Partis et mouvements disent reconnaître sa représentativité et son autorité sur l’Armée secrète, mais
ils revendiquent leur indépendance politique. Ce n’est
que naturel dans une république ; encore faut-il
conquérir la liberté pour rétablir la démocratie. Face
à Giraud et aux Américains, nous ne pouvons commettre la moindre erreur si nous ne voulons pas
nous retrouver avec un régime de Vichy champion
militaire de la Libération ! »
Après une pause, il ajoute : « * Brémond semble le
seul à le comprendre. Tout en étant socialiste, il est
en désaccord avec * Villiers. Son postulat est que
Résistance égale gaullisme. Il propose d’ailleurs qu’un
chef désigné par le général de Gaulle soit président
d’office du Comité. »
*Rex annonce finalement qu’il a esquissé une
solution : « Quand on est plus faible que l’adversaire, il faut le surprendre. Je vais proposer au
Général la création d’un conseil politique calqué
sur les projets que vous connaissez. Ce n’est pas
l’idéal, mais en créant une institution conçue par la
France combattante, on pourra peut-être éviter le
pire. Le Général en conservera la direction. Les mois
à venir vont être périlleux pour lui : il faut à tout
prix qu’il garde le contrôle de la Résistance. Nous
n’avons pas le choix des moyens ! »
Bidault ne semble pas convaincu et reste opposé
au retour des partis, du moins précocement : « Nous
hypothéquons l’avenir. Vous-même, dit-il en fixant
*Rex du regard, vous vous y êtes toujours opposé.
— Croyez-vous, lui répond * Rex amicalement,
que l’élimination du Général et la mainmise des
Américains sur la
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