Alias Caracalla
des militants
de Combat, pour qui Frenay est un « grand chef »,
tous les responsables des mouvements ou les agents
de la France libre dénoncent un fasciste. * Danvers
me semble donc bien modéré en comparaison d’un
Copeau ou d’un Fassin. Si le mot fasciste indispose
*Rex aujourd’hui, n’est-ce pas une revanche sur les
concessions qu’il a dû faire au cours de la discussion ?
Un lourd silence suit l’algarade. Sans doute incite-t-il * Danvers à détendre l’atmosphère. Il regarde
*Rex amicalement et lui dit, sur un ton où perce la
complicité en même temps qu’une certaine déférence : « J’espère que vous ne m’en voudrez pas de
manifester ma surprise d’entendre un homme comme
vous défendre aussi passionnément un homme
comme lui ! »
En dépit de la volonté évidente de * Danvers deretrouver un ton plus apaisé, l’épais silence persiste.
Est-ce une façon de reconnaître la stature du
patron ou son statut d’« homme » du Général ? Une
autre interprétation est possible, rejoignant mes
propres interrogations : * Rex est-il un homme politique connu pour ses engagements partisans ? Mais
lesquels ? Je ne peux croire que son attachement à
la République, que je constate mois après mois,
paraisse « extraordinaire » dans cette assemblée de
socialistes. Alors ? Est-il simplement « gaulliste »,
dans le sens que j’ai découvert dans la Résistance,
c’est-à-dire l’homme de De Gaulle ? Il ne s’en cache
pas. Quoi d’autre ?
*Rex rompt le silence… et les armes : « Cette réunion de deux heures a trop duré. Je remercie le
commandant Manuel de l’avoir organisée et les
socialistes d’être venus à Lyon. Ces débats ont été
positifs. Nous nous reverrons bientôt. » Personne ne
semble acquiescer à l’avis de * Rex, mais tous paraissent résignés.
Tandis que le patron échange quelques mots avec
*Froment et *Brémond, qui sont peu intervenus, je
recueille les adresses des uns et des autres pour établir mes liaisons à Lyon et à Marseille. Mes problèmes
m’apparaissent triviaux en comparaison de ceux
évoqués au cours de la réunion ; ils n’en sont pas
moins réels. Marseille est loin et exige des courriers
supplémentaires. Comment vais-je les recruter ?
*Rex m’appelle ; nous sortons les premiers.
Nous déambulons dans les petites rues du vieux
Lyon. * Rex ne dit mot. Il marche d’un pas rapide au
milieu de la chaussée.
Sur les quais de la Saône déserts, il ralentit le pas
et se met à parler, ou plutôt à soliloquer à voix haute :
« Tout ce qu’ils disent n’est pas inexact. Ils ont raison sur deux points : la reconnaissance par la France
combattante et leur financement ont donné aux
mouvements leur envergure. S’ils sont récalcitrants,
je vais devoir contrôler les fonds. Ils ne peuvent tout
de même pas vivre des subsides du Général et contester en permanence ses directives ou sa politique ! »
Nous arrivons place Bellecour : « Organisez une
réunion avec * Marnier [Manuel] et Bidault demain
matin, rue Victor-Hugo, à 9 heures. Nous irons déjeuner ensuite. »
Samedi 12 décembre 1942
Quelles institutions pour la Résistance ?
La réunion a pour objectif de faire le point sur les
problèmes politiques, qui, depuis le 8 novembre,
accaparent les esprits. Les conciliabules avec les
uns et les autres imposent une conclusion. * Rex
commence par résumer les débats.
L’origine de ce désordre est la création par
Londres du Comité de coordination, ayant autorité
sur toutes les résistances. Les anciens partis politiques, léthargiques depuis l’armistice de 1940, s’agitent : le Débarquement en Afrique du Nord a réveillé
les ambitions. À l’approche de la libération du territoire, le pouvoir semble à portée de main…
De surcroît, la volonté de Frenay de commander
l’Armée secrète tout en étant membre du Comité
enflamme craintes et polémiques. Le monopole desmouvements sur la direction militaire et politique
de la Libération fait craindre le pire : l’apparition
d’un grand parti de la Résistance, réplique des partis fascistes contre lesquels tous s’élèvent. D’où le projet de comité politique du groupe * Froment- * Danvers,
du Comité d’action socialiste de * Villiers et du
Rassemblement national français de * Francis.
Ces projets ont en commun la volonté de regrouper dans une institution unique des représentants
des partis
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