Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
Vom Netzwerk:
chef
idéal, représenté autrefois par le roi.

    Je n’en éprouve aucune nostalgie ; mieux, je vis
cette situation comme naturelle. Sans doute mon
séjour en France m’a-t-il révélé une réalité fondatrice
que ma famille m’avait apprise à nier : la Révolution
a eu lieu il y a cent cinquante ans, et la France est
devenue républicaine. Si de Gaulle et * Rex sont républicains, ça ne peut être un mal !

    Notre soirée s’achève sur l’évocation des problèmes de radio. Briant éprouve des difficultés dans ses
émissions en zone sud à cause des quartz de son
poste, préréglés pour émettre de Paris. Il en avait reçu
de nouveaux à Clermont-Ferrand afin de pouvoir
émettre de cette ville. En revanche, à partir de Lyon,
ses émissions sont aléatoires.

    Pour améliorer son travail, je lui prête les miens,
qui fonctionnent parfaitement.

    Jeudi 24 décembre 1942

     

    Un Père Noël poétique

    Cette veille de Noël, en fin de matinée, * Rex me
donne rendez-vous rue Victor-Hugo. Je lui apporte
les papiers reçus depuis notre rencontre matinale,
tandis qu’il m’annonce son départ ce soir et son
retour dimanche : « Comme d’habitude. »

    Il m’interroge sur mes projets pour le réveillon. Je
lui avoue qu’avec Briant nous avons prévu de dîner
ensemble exceptionnellement, bien que nous enfreignions les règles de sécurité. Il me considère avec
bienveillance : « Vous souhaiterez à votre camarade
un bon Noël de ma part. Par les temps qui courent,
je n’ose dire joyeux Noël. » Il semble hésiter  : « Soyez
prudents ! »

    Nous allons nous séparer lorsque je me décide à
lui donner mon cadeau. Malgré sa courtoisie, je suis
toujours intimidé dès lors que je sors du cadre de
nos relations hiérarchiques. Surpris, il ouvre le paquet
tandis que je bégaye : « Permettez-moi de vous offrir
ce souvenir en témoignage de mon attachement. »

    Quand il aperçoit le titre, il me regarde d’abord
d’un air de reproche amical, puis son visage s’éclaire :
« Il ne fallait pas. Pourquoi faire ça ? Je suis très
touché par votre attention. Grâce à vous, je vais
passer un Noël poétique. » Avec le temps, j’ai compris la réserve, je dirais même la pudeur sentimentale de * Rex ; sa reconnaissance ne se transforme
jamais en effusion. Au-delà des mots, il est toutefois
visiblement heureux de cette attention inattendue.

    Après son départ, je rentre chez moi afin de mettre à jour les codages et préparer les textes à dactylographier par * Mado. Dans la soirée, j’ai rendez-vous
avec Briant, avec qui je dois assister à la messe de
minuit à Saint-François, près de la place Bellecour.
C’est le troisième Noël que nous passons ensemble.

    Je le retrouve à l’église, comble. En dépit du froid
glacial de la nef, la ferveur des prières et des cantiques
n’en souffre pas. Je reconnais ceux de mon enfance.Tout en chantant, ma mémoire est assaillie de souvenirs : Saint-Elme, Bescat, mes grands-parents
Gauthier. Sont-ils venus, à Noël, auprès de ma mère,
selon leur habitude ?

    Involontairement, ma mémoire dérive vers
Domino, sans m’attarder toutefois. La présence de
Briant fait resurgir le souvenir du premier Noël
d’exil, passé ensemble à Old Dean. Dans quelle partie de l’Afrique mes camarades de la France libre
combattent-ils aujourd’hui ? Sans nouvelles d’eux
depuis plus d’un an, je suis certain ce soir que, malgré l’éloignement, nous sommes tous réunis par-delà
les mers, les déserts et le temps. Ensemble, comme
autrefois : même ceux dont j’ignore la mort.

    À la fin de la messe, malgré le froid, je m’attarde
parmi les inconnus liés dans l’espérance. Est-ce à
cause de l’odeur de l’encens, présence capiteuse de
mon enfance ? Les orgues déchaînées saluent le bonheur du mystère accompli.

    En sortant de l’église, nous traversons la place
Bellecour pour dîner à la brasserie du Progrès , où
nous avons réservé nos places. Les nombreux clients
sont sans doute là depuis longtemps, car il fait chaud
quand nous entrons dans la salle. Nous commandons
des huîtres et des saucisses. Mon monologue intérieur commencé durant la messe se transforme en
discussion. Nous évoquons le réveillon d’Old Dean,
où de Gaulle était venu passer la soirée parmi nous.

    Briant parle de son frère, dont il est sans nouvelles. L’Afrique est grande. À l’instar de nos camarades chasseurs, a-t-il

Weitere Kostenlose Bücher