Alias Caracalla
qu’il
tire de cette mise en garde, dont la formulation respectueuse n’amoindrit pas le refus catégorique.
J’abandonne le patron, qui a rendez-vous avec
YvesFarge 10 et le retrouve au dîner.
Ce soir, il me demande de prendre contact avec
ce dernier au sujet d’un projet qu’il lui a soumis :
créer une citadelle de la liberté au milieu de la France
occupée. Le lieu choisi est le massif du Vercors.
J’entends ce nom pour la première fois.
« Avant d’envoyer le général * Vidal [Delestraint],
me dit * Rex, je voudrais votre avis sur le sérieux de
cette entreprise. Il faut toujours se méfier des journalistes. »
Inquiet de la confiance qu’il me fait pour une
mission de cette envergure, je me demande si je serais
à la hauteur et lui en fais respectueusement la remarque. Sa réponse est sans réplique : « Quand j’observe
ce dont furent capables, en 1940, les officiers brevetés, je ne doute pas que les réservistes dont vous faites partie soient de meilleurs juges pour organiser
la rébellion. »
Il m’annonce son départ dans l’après-midi et son
retourdimanche 11 .
Dimanche 10 janvier 1943
Toujours le Conseil politique
*Rex me remet une suite à son rapport du
14 décembre. En le codant, je découvre une fois de
plus un des traits de son caractère : la ténacité. Il
demande à Londres de lui faire parvenir d’urgence
son accord ou bien ses remarques à propos du
« conseil politique », qu’il a proposé dans le rapport
de décembre. (Il semble ignorer que, faute d’opération, ce texte n’est pas parti.)
Il signale qu’il poursuit ses consultations et qu’il
est en pourparlers avec des représentants de divers
partis : « J’ai besoin d’être appuyé par votre autorité, soit de connaître les objections de principe que
vous auriez à élever à ce sujet. »
Je souris en découvrant qu’il profite de cette
demande pour déclencher une attaque supplémentaire contre * Francis, lequel poursuit ses propres
négociations en vue de faire aboutir son projet :
« [Il risque] de faire échouer tous les efforts difficiles que je fais en vue de l’unité morale et matérielle
de la Résistance. Ces négociations politiques font
paraître absolument désordonnée l’action politique
des forces gaullistes. »
Quant à l’arrivée éventuelle de * Francis à Londres,
il enfonce le clou : « Le voyage ne semble pas absolument nécessaire, surtout si l’on considère le peu
de place dont nous disposons pour les opérations
d’enlèvement. »
À la fin de cette philippique feutrée, il croit bon
de souligner : « J’ajoute que je n’ai sur le plan personnel rien à reprocher à * Francis, qui est loyal et
courageux. » Heureusement !
Dans un autre câble, * Rex définit l’ordre de départ
des personnes à enlever : chez Fassin, partiraient
*Rex et Delestraint ; chez *Sif.B, *Frédéric et *Panier ;
chez Schmidt, Jules Moch, Édouard Bonnefous,
Henri Queuille ; enfin chez * Frit, M e Kalb, le général Revers et le colonel Kientz.
La fin du câble concerne mon travail : il signale
que, durant son absence, * Salm, que Londres a mis
à sa disposition depuis trois mois, assurera l’intérim. Il l’a déjà présenté aux membres du Comité de
coordination, et le secrétariat et ses courriers seront à
sa disposition.
Cela me réconforte de savoir que je ne serai pas
seul durant l’absence de * Rex.
Depuis sa décision, le 12 décembre 1942, de créer
un conseil politique fédérant les résistances, * Rex a
multiplié les rencontres et les explications auprès
des intéressés, mais sans résultat.
L’opposition des mouvements est systématique :
ils refusent en bloc le retour des partis politiques et
des parlementaires de tous bords. Pour eux, seuls les
volontaires ayant combattu pour la liberté seront
dignes de diriger la France après l’avoir sauvée.
*Rex rédige le projet de manifeste suggéré par
Manuel. Il me le communique pour le faire dactylographier et distribuer à quelques responsables, dont
il souhaite l’avis.
Ce texte révèle son évolution et les modifications
du projet, en raison des oppositions qu’il a rencontrées. L’absence de réaction de Londres le gêne, mais,
avec le concours de Manuel, qui se fait fort d’appuyerson initiative auprès de De Gaulle, il franchit un
nouveau pas.
Je découvre comment, en un mois, le projet a pris
de l’ampleur à partir du postulat
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