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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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« Je suis chez
moi dans cette chambre ! » Je reste dubitatif. Les
cigarettes sont certes une denrée rare — et il fume
beaucoup —, mais je me suis toujours débrouillé
pour qu’il n’en manque jamais.

    « Contrairement à ce que vous croyez, ce n’est
pas insignifiant  : j’avais caché dans le double fond du
paquet deux billets de 500 dollars, en cas d’urgence.
C’est une catastrophe ! » Je ne parviens pas à comprendre qu’il se montre si affecté par ce qui, à
l’aune des drames de la Résistance, m’apparaît insignifiant  : que représentent 1 000 dollars comparés aux
sommes considérables qu’il reçoit et dont il est maître absolu ?

    Je me permets de le lui dire : « J’apporterai deux
nouveaux billets et l’incident sera clos.

    — Ne parlez pas à la légère de l’argent de l’État !
Il ne m’appartient pas, et je l’ai perdu. »

    Sa réaction confirme son comportement invariable dans la gestion des fonds qui lui sont envoyés. Il
les répartit lui-même en fonction des prévisions
des services et des mouvements. S’agissant de ses
propres besoins, il est parcimonieux : il voyage en
3 e  classe, prend ses repas dans des bouchons, et
même s’il veille à ce que nous ne manquions de rien,
les dépenses de ses services et du secrétariat sont
aussi limitées que les siennes.

    Sa réaction au vol de ma seconde bicyclette était
déjà révélatrice de ces principes : il était scandalisé
par mon gaspillage de fonds publics ; je m’étais
conduit de façon irresponsable en ne surveillant
pas une bicyclette qui ne m’appartenait pas, et il avait
tenu à en faire un exemple.

    La perte des 1 000 dollars représente environ deuxmois du budget du secrétariat. Toute la matinée, j’en
mesure l’importance à son attention flottante durant
notre travail : bien qu’aucun détail ne lui échappe,
il n’est pas à la question.

    Jeudi 7 janvier 1943

     

    Un ami nommé * Dupin

    À mesure que le secrétariat se développe, l’augmentation des papiers, des rendez-vous et des réunions s’accélère depuis le retour de Frenay et de
d’Astier de La Vigerie.

    Nous sommes maintenant sept personnes qui
sillonnent Lyon du matin au soir, sans compter les
voyages fastidieux en province. Mes contacts personnels ont doublé début décembre, et ceux que je
ne peux déléguer à personne sont de plus en plus
nombreux.

    La création de services et l’arrivée de journalistes,
d’hommes politiques et de syndicalistes créent des
problèmes nouveaux : l’encombrement des rendez-vous et des réunions.

    Conscient du danger, * Rex cherche à modérer cet
emballement et à se délester des liaisons. La lenteur
des communications et l’absence d’adjoints l’obligent
néanmoins à faire acte de présence partout à la
fois. Résultat : la multiplication de tout surmultiplie
les dangers.

    Ce matin, il m’annonce qu’il a recruté un collaborateur pouvant le décharger d’une partie de ses
contacts avec la zone occupée  : « Vous avez rendez-vous ce soir avec lui, à 7 heures, derrière l’Opéra, aucoin du pont Morand et du quai Saint-Clair. Organisez une liaison quotidienne avec lui. »

    Il fait un froid humide lorsque j’arrive au rendez-vous. Un petit homme attend, emmitouflé dans un
gros pardessus, coiffé d’un feutre gris, le regard aux
aguets derrière les loupes de ses lunettes. Dans la
pénombre, il m’aborde, L’Action française à la main  :
« Je m’appelle * Dupin, comme dans Edgar Poe. »
Ses yeux vifs trahissent une intelligence en éveil.

    Il n’est pas toujours facile d’expliquer le choc
affectif qui se produit parfois lors de l’abordage
d’une autre existence : est-ce une attirance partagée,
une écoute, une adhésion sans retenue ? En tout
cas, ce soir, nous sommes amis dès le premier mot.

    « Êtes-vous libre à dîner ? » Je ne suis pas surpris
de cette invitation, que je souhaite inconsciemment,
mais embarrassé : elle est tout sauf naturelle entre
« résistants », même à l’intérieur de notre équipe soudée. Je lui réponds sans réfléchir : « Si ce n’est pas
trop long, car j’ai beaucoup de travail ce soir. »
Pourquoi cette précision : depuis des mois, mes soirées ont-elles d’autre objet que le travail ?

    Nous nous dirigeons vers une brasserie de la
place des Terreaux où il y a peu de monde le soir.
« Je vous connais déjà, me confie-t-il en chemin ;
nous

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