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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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distribuer des tracts,
collecter des renseignements, recruter des volontaires. Après quelques mois d’inventaire des bonnes
volontés, il a souhaité combattre les armes à la
main et participer à la revanche par la violence.

    Je découvre que, sous la sérénité du philosophe,
se cache un être frémissant qui souffre dans sa chair
des malheurs du pays, et du monde. Il veut le changer
au péril de sa vie. N’était-ce pas aussi notre volonté
à tous, en Angleterre ? Lui possède en plus l’expérience. Moi qui n’en ai aucune, je suis ému par son
enthousiasme programmé.

    Tel est Pierre Kaan — puisqu’il me révèle son nom
à la fin du repas, en même temps que son origine
juive, enfreignant une nouvelle fois les règles de la
clandestinité —, que j’aime ce soir sous le pseudonyme romanesque de * Dupin.

    Toujours prodigue de confidences, il me raconte
son engagement, en 1920, dans le nouveau Parti
communiste français, sa participation à la rédaction
de L’Humanité , ses déceptions, puis sa démission
quelques années plus tard ; sa volonté enfin, en
compagnie de camarades, dont Boris Souvarine, de
défendre l’idéal socialiste contre celui corrompu par
les Soviétiques, jusqu’à la trahison du pacte germano-soviétique.

    Lorsque je le quitte, beaucoup plus tard que prévu,j’espère que les obligations du travail nous rapprocheront bientôt : il fait partie des quelques rares
résistants, comme Bidault ou Copeau, avec qui
j’éprouve spontanément une authentique fraternité.
Je reconnais en eux l’intraitable orgueil des Free
French .

    Vendredi 8 janvier 1943

     

    Bastid et les institutions clandestines

    J’apprécie les rendez-vous chez Paul Bastid. Non
seulement il est mon premier souvenir de résistance, mais il fait montre à mon égard d’un accueil
à l’ancienne : je retrouve chez lui l’urbanité vis-à-vis
des gens simples que j’aimais chez mon grand-père
Gauthier, exemple insurpassable de courtoisie tous
azimuts. Ma grand-mère Ady ne manquait jamais
de le lui reprocher  : « Mon pauvre ami, tu t’imagines
que les gens t’aiment en retour : ils cherchent à profiter de toi ! »

    *Rex vient le consulter sur la forme juridique à
donner au « conseil politique » qu’il a soumis à de
Gaulle.

    Bastid, après avoir félicité * Rex de son initiative,
s’explique : « Vous connaissez mon action. J’ai toujours cru que l’ancien personnel parlementaire, dans
ses meilleurs éléments, aurait un rôle à jouer lors
du Débarquement. Cela dit, permettez-moi de faire
une remarque technique sur votre projet. Les représentants désignés ne doivent pas être les mandataires
des partis ; assemblée d’individus, oui ; fédération
de partis, non. »

    Auprès de Bastid, * Rex manifeste une écoute particulière. Il intègre ses critiques avec la même courtoisie que les suggestions qu’il approuve : « Je suis
d’accord avec vous sur le principe, mais l’urgence
est chez les Alliés. À leurs yeux, hormis quelques
rares personnalités connues internationalement, ce
sont les étiquettes de partis qui sont une référence
politique. »

    Bastid poursuit son exposé : « Croyez-moi, il y a
danger d’une nouvelle féodalité. Je pense que le
projet présenté par mon groupe de parlementaires
à de Gaulle il y a quatre mois demeure valable :
convocation, à la Libération, des rescapés de
l’Assemblée du 10 juillet et remise légale du pouvoir
au Général au cours d’une séance solennelle. Cela
seul permettra d’assurer la continuité de la légalité
républicaine. »

    Sans se départir de son attitude respectueuse à
l’égard de Bastid — * Rex l’appelle « mon cher ministre » —, il ne cède pas un pouce : « Je ne voudrais
pas que vous entreteniez trop d’illusion sur ce projet, que nous avons déjà évoqué : vous négligez le
caractère du Général. N’oubliez pas qu’il a condamné
publiquement le vote de l’Assemblée de Vichy et que,
seul, il a revendiqué l’héritage de la République, dont
il s’estime le gérant provisoire. Seul encore, il a
solennellement proclamé sa volonté de rendre la
parole au peuple français. » * Rex ajoute : « C’est un
homme d’écoute, mais on ne lui impose pas de solution préfabriquée. Je crois en sa parole, c’est pourquoi je suis ici. »

    Lorsque nous le quittons, Bastid ne trahit rien de
ses sentiments. Je ne peux deviner la conclusion

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