Alias Caracalla
réticences, * Rex
estime que le contact avec * Brumaire a été fructueux. Bidault semble plus réservé : « Méfiez-vous,
c’est un agité, comme beaucoup d’intellectuels. Certes, il n’a jamais hésité à prendre des positions
courageuses contre Munich et l’armistice et pour la
Résistance, mais c’est un ambitieux. J’ignore ce
qu’il a fait à Londres, mais vous pouvez être sûr
qu’il cherche un rôle majeur. Durant le Front populaire, il ne s’est jamais remis d’avoir été tenu àl’écart de toute fonction gouvernementale par Léon
Blum. »
Entendant ce détail, je me souviens du jugement
de Manuel sur * Brumaire, qu’il avait confié à * Rex :
il l’avait connu avant-guerre brillant, drôle, mais
dévoré d’ambition et méchant. Il avait informé * Rex
qu’en dépit de son intelligence exceptionnelle et du
manque d’hommes représentatifs dans la France
combattante, de Gaulle ne lui avait jamais offert de
poste à ses côtés, ni même à l’intérieur de la France
libre.
Il aurait probablement rejoint une unité combattante avec son grade de capitaine ou serait retourné
en France dans la Résistance si le colonel * Passy ne
l’avait pris à ses côtés au BCRA. Bidault conclut :
« Les intellectuels ne sont préparés ni à l’administration des choses ni au gouvernement des hommes.
Pour agir, il ne faut pas trop réfléchir. » * Rex sourit.
Après le dîner, il me remet un télégramme : Bidault,
*Brumaire et *Rex sont d’accord sur un objectif :
faire triompher le général de Gaulle. Le patron assure
ce dernier, au nom des groupes politiques et résistants, de la « fidélité absolue du peuple français »,
ajoutant : « Celui-ci n’admettra jamais concessions
incompatibles principes sacrés pour lesquels il lutte. »
Mercredi 10svrier 1943
Bas les masques 18
L’enlèvement de * Rex et Delestraint est prévu pour
la lune commençant le samedi 13 février. * Rex nepeut s’absenter sans offrir un interlocuteur qualifié
aux chefs des mouvements.
J’ai dit qu’il avait envisagé de faire de * Salm son
représentant, mais, après son départ manqué de
janvier, il a pris conscience qu’il offrait à la résistance des chefs une cible facile : * Salm ignore tout
des relations conflictuelles avec eux. Le patron
estime par ailleurs son caractère trop conciliant et
craint des initiatives risquant de mettre en péril son
statut de président du Comité directeur des MUR
qu’il a imposé aux mouvements.
Il choisit donc une autre procédure et décide de
me présenter comme son agent de liaison avec
Londres durant son absence. Lorsqu’il m’en informe,
je lui fais remarquer respectueusement que mon
jeune âge risque de m’attirer les quolibets de ces
hommes que je considère comme des durs à cuire ;
de plus, je n’exerce aucune fonction d’autorité et ne
suis qu’un exécutant.
*Rex balaye mes objections : « Vous êtes mon secrétaire ; à ce titre, vous êtes au centre des liaisons et
le seul à connaître les affaires en cours. » Est-ce suffisant ? Effrayé par la responsabilité de ces contacts,
je me rends compte que, pour la première fois, je me
permets de discuter ses ordres.
« N’oubliez pas, reprend-il, que vous possédez la
caisse et distribuez les fonds. Aux yeux des mouvements, votre importance est plus grande encore,
puisque vous êtes le chef de la WT : sans vous, ils
n’ont aucune liaison avec Londres. En politique, il
n’y a que des rapports de force. Croyez-moi, dans
ce domaine vous êtes le “patron”. Vous vous en
apercevrez rapidement. »
Le sachant avare de compliments, sa confiance me
fait plaisir. Mais en dépit du sourire qu’il esquisse en
prononçant les derniers mots, je ne suis toujours
pas rassuré par cette mission risquée.
*Rex décide de profiter d’une réunion du Comité
directeur qu’il préside aujourd’hui pour me présenter avant son départ.
Lorsque nous entrons dans la grande salle à manger, deux hommes discutent debout. Près de la
fenêtre, Henri Frenay et Emmanuel d’Astier de la
Vigerie — ce sont eux — m’accueillent avec condescendance. Seul Jean-Pierre Lévy, assis à l’écart et
que je connais déjà, se montre amical. Sans doute
sont-ils choqués par ma jeunesse.
En me serrant la main, Frenay grommelle : « La
Résistance est tombée aux mains d’un enfant de
troupe ! » La cigarette aux lèvres, d’Astier, sans un
mot, me
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