Alias Caracalla

épurations
indispensables. » Du coup, le PSF de Vallin disparaît :
tant mieux !

    La fin du manifeste énumère les quatre objectifs
que les formations choisies doivent accepter :

Contre les Allemands et leurs alliés par tous les
moyens et notamment les armes à la main !

    Contre les dictatures et particulièrement celle de
Vichy, quel que soit le visage dont elle se pare !

    Pour la liberté !

    Avec de Gaulle dans le combat qu’il mène pour
libérer le territoire et redonner la parole au peuple français !

    Le manifeste se termine par une phrase aux allures d’ultimatum :

Nous vous serions obligés d’examiner ces propositions dans le plus bref délai et de nous faire
connaître si votre groupement entend y donner
son adhésion.

    C’est la première fois que je lis une telle mise en
demeure entre résistants. Après tant de discussions,
*Rex veut conclure.

    Il me demande de faire dactylographier le manifeste à dix-sept exemplaires et de le remettre aussi
vite que possible en main propre aux destinataires.

    Joindre les partis politiques n’est pas une mince
affaire. Je commence par le plus facile : les responsables des mouvements. Le hasard veut que * Lorrain
soit mon premier « client ».

    Il jette un coup d’œil rapide et commente d’une
phrase : « C’est une déclaration de guerre ! » Il ne
saurait être plus concis, ni plus sincère. Avec cet
homme d’une froideur congénitale, j’ai toujours
éprouvé une distance infranchissable, en dépit de
son éducation de qualité. Cela présage une suite
mouvementée.

    Heureusement, le deuxième responsable à se présenter est Copeau. Depuis notre première rencontre,il y a trois mois, nous sommes devenus amis. Il est
déjà loin le temps où son tutoiement me choquait.
Nos relations sont simples, il suffit de l’écouter : il
est toujours drôle et passionnant. Lyon s’étant transformé en annexe du pôle Nord, nous nous sommes
donné rendez-vous dans un bistrot. Il lit attentivement le manifeste, puis le relit méthodiquement :
« Je suis d’accord, mais tu diras à ton patron que
c’est de la dynamite. J’espère qu’il est conscient qu’il
déclenche un tremblement de terre. C’est un homme
intelligent et courageux, mais il joue à quitte ou
double avec les mouvements. S’il perd, il sera K.-O.
pour longtemps. »

    Je ne réponds rien : pour moi, * Rex est invulnérable. Après le couplet de * Lorrain, l’effet du manifeste
se précise, même si je préfère le style de Copeau.

    Mon interlocuteur suivant est Jean-Pierre Lévy.
Cordial, comme toujours, il n’en est pas moins
dubitatif  : « Le moment est mal choisi : de Gaulle a
besoin des mouvements. Ce papier va déclencher la
guérilla. Est-ce bien habile politiquement ? »

    Avant de rencontrer politiques et syndicalistes, je
dois attendre leur réponse à ma demande de rendez-vous.

    Lorsque je retrouve * Rex à dîner, je lui transmets
les remarques des uns et des autres. J’aurais préféré
lui rapporter des propos plus amènes. Sous une
forme ou une autre, les résistants sont contre.

    Ce n’est pas la première fois que je me fais l’interprète de leurs jugements, mais en répétant leurs propos, pour moi sacrilèges, j’ai l’impression de le trahir.
Mon admiration inconditionnelle pour le patronn’accepte aucune critique. Afin d’en amortir l’effet,
je commence par Lévy, suivi de Copeau et achève
avec * Lorrain.

    La réaction du patron est inattendue : « J’espère
que cela ne vous émeut pas ? » Comme si j’avais
mon mot à dire dans ses affaires !

    Mardi 2 février 1943

     

    À qui appartient l’Armée secrète ?

    Le départ de Manuel ne modifie en rien la situation de la Résistance : l’exaspération s’accroît entre
les chefs et * Rex, ou plus exactement entre * Rex et
Frenay.

    Après la fusion des mouvements, deux questions
demeurent en suspens : le commandement de l’Armée
secrète et la création du Conseil de la Résistance.
C’est plus qu’il n’en faut pour aigrir les relations.
Depuis son retour de Londres, Frenaymène campagne contre le général Delestraint afin de récupérer
le commandement de l’Armée secrète. Heureusement,
à Londres, d’Astier s’y est opposé ainsi que Lévy
afin de protéger un équilibre fragile entre les groupes paramilitaires des différents mouvements.

    Lors de mes rencontres avec leurs responsables,
chacun d’eux, à l’exception de ceux de