Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
Vom Netzwerk:
Je suis à la fois heureux — c’est la fin de ma solitude — et anxieux de
son jugement sur mon travail durant son absence.
Comment l’a-t-il perçu de Londres ?

    Pendant que je l’attends, je récapitule les étapes
de mon activité : multiples contacts avec les responsables des mouvements, des partis et des syndicats,
fonctionnement des transmissions, problèmes desréfractaires, initiatives dans la distribution de l’argent,
catastrophe de la rue de l’Hôtel-de-Ville, etc.

    Une même question revient, lancinante : Ai-je été
digne de sa confiance ? J’en suis là de mes
réflexions lorsque je l’aperçois parmi les voyageurs.
Il est coiffé d’un béret et vêtu de la canadienne qu’il
utilise pour se rendre sur les terrains de départ.

    Je le suis quelques instants avant de le rejoindre
dans le bistrot de son choix. Pendant qu’il s’assoit,
j’arrive devant lui. En dépit d’une nuit courte et
mouvementée, il a les traits reposés, comme lors
de notre première rencontre. Je le regarde intensément.

    Mes craintes s’évanouissent d’un coup, tant je
suis bouleversé de le voir assis devant moi : « J’avais
hâte de vous revoir ; c’était dur sans vous. »
Comprend-il le sens de ma déclaration ? Il sourit
et semble heureux, lui aussi, de me retrouver. Dans
ces instants privilégiés vécus en sa compagnie, il
me semble percevoir dans son regard une sorte de
tendresse paternelle.

    Ses premiers mots sont d’ailleurs ceux d’un père :
« Dans l’existence que nous avons choisie, il faut
être prêt à tout. » Il ajoute aussitôt : « En tout cas,
je suis satisfait de votre travail. » Et puis : « Quoi de
neuf ? »

    La sérénité qu’il affiche me laisse coi, surtout après
mon câble d’hier lui annonçant la catastrophe de la
rue de l’Hôtel-de-Ville. Ne sachant par où commencer. Je baisse la voix : « Ça va mal !

    — Avez-vous de ses nouvelles ? »

    Je comprends le quiproquo : il m’interroge sur
*Frédéric et fait allusion au télégramme dans lequel
j’annonçais la possibilité de le faire évader. Je le
détrompe : « Je parle de l’Armée secrète à Lyon. »

    Comme il me regarde avec surprise, je lui
demande : « Vous n’avez pas reçu mes derniers
câbles ?

    — Non. J’étais sur l’aérodrome et sans nouvelles
de vous depuis le 18. »

    Je comprends sa sérénité  : il ignore tout. J’énumère
les douze arrestations à Lyon, parmi lesquelles le
chef d’état-major, * Mechin, son adjoint Aubrac,
*Ravanel, chef des groupes francs, et la saisie de
toutes les archives de l’Armée secrète.

    Sans répondre, il se lève. Nous sortons. A-t-il
besoin d’exercice pour accuser le coup ? Il demeure
silencieux. Changeant de sujet, je lui commente les
réactions vindicatives des chefs à ses instructions :
il hausse les épaules. Je crois bon de lui signaler
l’indignation qu’a soulevée la non-augmentation du
budget.

    Impassible, * Rex ne fait aucun commentaire,
m’interrogeant seulement sur quelques détails. Je
constate qu’il avait relativisé mes télégrammes,
attribuant sans doute à ma jeunesse ce qu’il considérait comme des excès de langage. Il me demande :
« Ne seriez-vous pas sous influence ? »

    Mortifié par l’allusion, je lui réponds : « Peut-être,
mais je suis sûr que la situation est grave. La déportation des jeunes travailleurs est une tragédie, et la
police nous traque comme des bêtes. Les réfractaires peuvent fournir des troupes aux mouvements à
condition que ceux-ci aient les moyens de les faire
vivre et de les armer ! »

    Pour la première fois, j’élève la voix en sa présence. Il s’arrête net et me dit avec une complicité
affectueuse : « Vous croyez ?

    — J’en suis sûr ! La chasse à l’homme est ouverte.
Je souhaite seulement que nous en réchappions ! »

    Je suis persuadé de lui décrire le sentiment de
tous les résistants. Malgré la déférence que je lui
témoigne depuis toujours, je suis moi-même surpris
par mon ton péremptoire. Jamais je ne lui ai parlé
de la sorte.

    « Et comment ça va avec les chefs ? » me demande-t-il alors que nous marchons lentement côte à côte
vers le Rhône. « Même si le choc a été parfois rude,
votre exemple m’a permis de ne pas céder aux menaces. » Il se tait.

    Sollicité par son silence, je hasarde une réflexion
complètement hors sujet, mais qui me tenaille depuis
mon

Weitere Kostenlose Bücher