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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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arrivée en France  : « Il est difficile de comprendre, pour un garçon engagé en juin 1940, la méfiance
et les critiques des chefs à l’égard du Général.
Comment est-ce possible ? »

    Il s’arrête. Je comprends à son regard que ma
question le surprend : « Mais parce que vous êtes
un soldat des Forces françaises libres. Les chefs des
mouvements sont des citoyens jaloux de leur liberté
de jugement et protégeant farouchement leur indépendance politique. Ils ne doivent rien au Général,
puisqu’il n’a rien fait pour eux avant 1942. De surcroît, il prétend posséder une légitimité pour diriger l’ensemble des résistances face aux Alliés, alors
que les chefs veulent partager immédiatement le
pouvoir, sinon l’exercer seuls. »

    Il marque une pause puis ajoute : « Malheureusement, ils n’en sont pas capables. Ils n’ont aucune
idée de ce qu’est un débat administratif ou gouvernemental. Les qualités d’un rebelle ne sont pas celles d’un homme d’État. »

    Nous continuons notre marche en silence. Je
m’apaise et lui rends compte du train-train quotidien : demandes de rendez-vous ; date du prochainComité directeur, qu’Henri Frenay souhaite réunir
au plus tôt pour régler ses « comptes » ; dîner avec
Georges Bidault ce soir même, à 8 heures ; montant
des fonds distribués.

    Quand j’ai terminé ma litanie, la lumière de cette
soirée printanière enveloppe le fleuve. * Rex, comme
il en est coutumier, s’arrête un instant au bord du
parapet et contemple la ville. Saurai-je un jour ce
qu’il discerne dans les tourbillons, les immeubles
bordant le Rhône, le ciel changeant ?

    Le long du quai, derrière nous, les tramways ferraillent à vive allure. En cet instant, tout est comme
avant. J’ai l’impression fugace qu’il ne m’a jamais
quitté.

    Nous repartons en direction de la place Raspail.
Comme il garde le silence, je lui pose tout de go une
question qui me hante : « Le Débarquement, c’est
pour bientôt ?

    — Certainement pas. Actuellement, le problème
c’est Giraud. Les Américains s’opposent à de Gaulle,
dont ils ne veulent à aucun prix. J’ai déjeuné hier
avec leGénéral 18  : il est découragé. Il m’a interrogé
pour savoir s’il n’était pas un obstacle à la réconciliation des Français. J’ai cherché à le convaincre
qu’il incarnait l’unique légitimité politique actuellement et le seul espoir de la République.

    — Et l’Afrique du Nord ?

    — J’ai assuré au Général que je ferais tout ce quiest en mon pouvoir pour éliminer les agents de
Giraud en métropole et pour qu’aucun résistant ne
manque à son appel. J’espère l’avoir convaincu qu’il
vaincra grâce à la légitimité que lui confère la
France résistante, dont il est le chef incontestable. »

    *Rex ajoute alors avec une ferveur inconnue de
moi : « Nous devons tout faire pour l’aider à triompher ! » Puis il se tourne vers moi, les yeux brillants :
« Vous verrez * Alain, avec le Général, une fois de
plus, la Républiquevaincra 19 . »

    Nous arrivons au bas de son immeuble. Il n’est
pas 6 heures ; nous aurons le temps de travailler avant
le dîner.

    Je le quitte pour rejoindre * Germain, qui m’attend
dans la rue avoisinante avec la valise de * Rex et les
papiers arrivés durant son absence. Quelques minutes plus tard, je le rejoins dans sa chambre.

    Il pose sa valise sur le lit. Quand il l’ouvre, un
papier de soie apparaît, protégeant une sorte de tissu
bleu. Il le saisit et se tourne vers moi : « J’ai pensé
que vous en auriez besoin pour vous protéger du
froid toujours vif à Lyon. »

    Je déplie le papier : c’est une écharpe en cachemire
bicolore, bleu marine d’un côté, bleu ciel de l’autre,
mes couleurspréférées 20 . De ma vie je n’ai reçu uncadeau aussi somptueux, ni aussi émouvant. Plus
que l’objet, c’est le bonheur de découvrir que, durant
son séjour encombré, il a pensé à moi et pris le
temps de choisir un cadeau pour marquer son
attention à ma santé.

    J’ai envie de l’embrasser pour le remercier de
tout : son présent, son retour, l’homme qu’il est. Mais
*Rex n’est pas quelqu’un que l’on embrasse. En dépit
de son sourire et de sa gentillesse, son regard creuse
un abîme entre nous.

    Il ne laisse d’ailleurs aucun temps aux effusions
et enchaîne : « Voici les instructions de Londres.
Rapportez-les décodées demain

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