Alias Caracalla
antifascistes, mais
des jeunes, apolitiques, qui refusent de partir en
Allemagne par confort ou par peur.
Selon Bidault, il s’agit d’une masse incontrôlable,
qu’il faut organiser, encadrer, entraîner militairementet orienter politiquement : « Ça sera sans doute difficile. » * Rex écoute et ne pose aucune question.
« Depuis des mois, reprend Bidault, les chefs se
montrent incapables de recruter des troupes nombreuses et décidées. Ils veulent récupérer cette horde
imprévue pour imposer leur stratégie à de Gaulle.
Ils préparent une insurrection générale, persuadés
que le Débarquement est pour demain. »
Inutile de préciser que je me délecte d’entendre
une « autorité » telle que Bidault reprendre, parfois
mot pour mot, l’essentiel de mes télégrammes et de
mes explications.
« Est-ce la stratégie des Alliés ? » demande Bidault.
Il attend visiblement des explications sur la situation
à Londres. J’ai souvent constaté que leur complicité avait des limites : celles fixées par les silences
de * Rex.
Sa réponse est identique à celle qu’il m’a donnée
dans l’après-midi : « L’insurrection n’est pas à l’ordre
du jour. Ne le dites surtout à personne, mais le
Débarquement n’est pas pour cette année. Il faut
calmer les résistants sans les décourager. Les Alliés
ne sont pas prêts et n’ont pas les moyens de nous
aider actuellement. Je l’ai télégraphié à * Alain, qui a
dû vous transmettre mes instructions. »
Bidault confirme, ajoutant que j’avais réglé toutes
les questions en suspens depuis son départ : « Il a
été parfait ! » Après le compliment du patron, c’est
le « sacre de Reims »…
*Rex explique qu’il a rencontré à plusieurs reprises les chefs d’état-major alliés afin de les convaincre d’utiliser le potentiel militaire des réfractaires
pour intervenir, lors du Débarquement, sur les
arrières de l’armée allemande : « Le général * Vidal
[Delestraint] s’est joint à moi. En l’écoutant, lesAlliés ont été ébranlés et ont consenti à réexaminer
leur calendrier deDébarquement 22 . »
Malheureusement, faute d’avions, tous consacrés
aux bombardements de l’Allemagne, ils n’ont aucun
moyen d’armer les réfractaires. À la demande de
*Rex, le général de Gaulle a écrit, le 10 mars, une
lettre à Churchill à ce sujet, mais ce dernier n’a pas
encore répondu.
« J’attends la réponse, mais ne suis guère optimiste.
L’état-major allié est partagé. Certes, il est surpris
et intéressé stratégiquement par cette masse disponible. Leur prévention à l’égard de la Résistance
semble tombée, mais il faut que les mouvements
fassent leurs preuves immédiatement et cessent leurs
initiatives intempestives, qui peuvent conduire à la
catastrophe. Ce sera long : le vrai problème est de
durer. »
J’ai beau déjà connaître ces nouvelles, elles me
désolent plus que je ne saurais dire.
*Rex annonce que le général Delestraint a été
nommé chef de l’Armée secrète : « Il a retrouvé
là-bas un de ses camarades américains. L’écoute
des Alliés a été chaleureuse. Grâce à Delestraint, la
Résistance est devenue crédible auprès de l’état-major allié. »
*Rex raconte ensuite qu’avant de rencontrer de
Gaulle il a eu un long entretien avec Philip : « Il m’a
communiqué quelques textes du Général, en particulier la conférence de presse du 9 février 1943, au
cours de laquelle il a proposé à Giraud la création
d’une Assemblée consultative en énumérant les délégués qu’il envisageait de désigner : seuls les représentants des mouvements étaient absents ! C’est la
première chose que j’ai fait remarquer au Général.
Heureusement, il a vite pris conscience de la nécessité des mouvements dans sa bataille contre Giraud :
ils sont la source de sa légitimité. Évidemment, il
conteste cette évidence : pour lui, sa légitimité est
fondée sur l’appel du 18 Juin et sur la France combattante. »
*Rex a acquis à Londres la certitude que le Général
n’accepterait jamais de se mettre sous les ordres
de Giraud, comme l’y invitent les Américains, sous
prétexte qu’il est son « supérieur hiérarchique : « Les
Alliés ignorent que de Gaulle est seul et représente
la France rebelle. Ce n’est pas une question de
grade. »
Il ajoute : « Les Américains ne reconnaissent que
la légitimité
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