Alias Caracalla
d’Occupation [1999], LGF, coll. « Le Livre de poche », 2003. Il ne se trompe que
d’une année : il la fixe en 1942, alors qu’il était à Marseille et n’est
arrivé à Lyon qu’à l’automne de 1942.
25 . C’était un brouillon. Le 31 mars, Georges Bidault envoya le
câble suivant : « Vu état actuel répression Max hors d’état tenir
en France plus de quelques mois. Probable qu’il ne faudra pas un
an pour détruire entièrement organisation Résistance. »
26 . Ayant quitté Lyon quatre jours après le retour de Jean Moulin,
je n’ai plus jamais entendu parler de Jean Choquet ( * Claudie). Ce
n’est que lorsque j’ai rédigé mes ouvrages sur Moulin, au cours
des années 1980-1990, que j’ai constaté sa disparition. Je ne sais
si Moulin l’avait retrouvé. J’ai découvert une note indiquant qu’il
avait été à nouveau arrêté en 1944 et qu’il avait disparu.
27 . Pierre Meunier et Robert Chambeiron.
IV
PARIS
XV
LA DANSE DES SERPENTS
24 mars-12 avril 1943
Mercredi 24 mars 1943
Revoir Paris
Dès mon affectation à Paris, j’ai fait réserver par
*Germain une couchette de wagon-lit. Le voyage de
nuit nous offre la meilleure sécurité depuis la suppression des Ausweis (« laissez-passer ») : au départ
du train, la remise de la carte d’identité au conducteur évite, en principe, toute vérification durant le
voyage. Les Allemands effectuent leur contrôle vers
1 heure du matin à Chalon-sur-Saône, mais n’opèrent
pas de fouille systématique des compartiments.
De toute façon, je n’emporte avec moi aucun document, et ma valise ne contient que des vêtements et
quelques livres. Ma couverture de journaliste à Paris-Soir me semble suffisante pour justifier mon voyage.
Cependant, je ne puis dormir. C’est la première
fois que je voyage en wagon-lit, et chaque arrêt du
train avive mon inquiétude. Cette dernière atteint
son paroxysme lors de l’arrêt prolongé en gare de
Chalon, marquant l’ancienne frontière entre France
libre et France occupée : les bruits de bottes dans
le couloir, les portes qui claquent, les voix fortes àl’accent rauque trahissent toute la brutalité des
Allemands.
Lorsque je les entends se rapprocher, je tire instinctivement les couvertures sur mon visage, transformant ce fragile tissu en abri imaginaire. J’imagine
la porte ouverte brusquement, la lumière éblouissante, tandis que des soldats m’arrachent violemment à ma couchette.
Durant mes divagations, les va-et-vient continuent, lents ou précipités ; l’arrêt s’éternise. Enfin le
calme se rétablit. Insensiblement, le train s’ébranle et
glisse, d’abord silencieusement, puis accélère progressivement jusqu’à retrouver la musique rythmée
des rails : celle de la liberté.
Mille questions m’assaillent au sujet de mon installation à Paris. Comment maîtriser cette ville
immense que je connais à peine ? Lyon me semble
déjà tellement vaste quand il me faut la sillonner en
tout sens.
En dépit des inconvénients de la capitale, je
m’abandonne à un sentiment que je n’ai avoué à
personne : vivre à Paris, rêve secret de mon adolescence ; explorer la ville mythique de mes lectures :
la rue d’Amsterdam de Sapho d’Alphonse Daudet, le
jardin des Champs-Élysées de Proust, la tombe de
Chopin au Père-Lachaise, le fantôme de la Commune,
les voluptés de Baudelaire, l’amour maudit de
Verlaine et Rimbaud…
De mon premier séjour, à l’âge de cinq ans, je
conserve trois souvenirs, tous dans le métro, que
j’ai adoré immédiatement et où je traînais ma gouvernante : la chaleur, l’odeur forte du souterrain,
enfin, sur les quais, les distributeurs automatiques
de bonbons. Je pleurais tellement chaque fois qu’on
s’en éloignait, que mes parents m’avaient confié auxsoins de cette femme patiente, qui me baladait d’un
bout à l’autre du réseau. J’adorais le passage des
tunnels aux lignes aériennes, qui me projetait brusquement face à la tour Eiffel avec des cris de joie
accompagnant mes battements de mains.
En 1931, j’avais onze ans. J’avais remplacé le métro
par l’Exposition coloniale. Je passais mes journées
dans un exotisme de contes de fées. Aucun de mes
livres d’enfant ne m’avait apporté un tel dépaysement.
Le soir, après avoir dîné face au temple d’Angkor avec
mes parents, j’explorais l’empire colonial :
Weitere Kostenlose Bücher