Alias Caracalla
dernière, le
28 avril, un mois a passé. À chaque séance — il y en a
eu trois importantes, auxquelles s’ajoutent les conversations privées —, * Rex a buté sur des revendications
nouvelles. Même si les tensions se poursuivent entre
les chefs, leur objectif commun est clairement d’être
représentés à Londres et de traiter de tous les problèmes de la Résistance directement avec de Gaulle.
Le fait que la résistance de la zone sud est la seule
organisée lui donne un poids incomparable puisqu’elle est la seule à être au moins un peu connue
des Alliés. Ses chefs ont parfaitement compris ledanger que représente le projet de * Rex de Conseil
de la Résistance, qui leur conférerait une place
mineure en zone sud : après les cinq mouvements
installés à Paris, et surtout à côté des cinq représentants des partis politiques.
*Rex nous raconte que Frenay lui a intenté un véritable procès lors de la séance d’hier du comité. À l’évidence, il a trouvé une liaison plus facile avec Londres
que celle de * Rex, et surtout des fonds plus importants
et plus réguliers. Frenay reprendrait-il le contrôle
de la Résistance après des mois d’emprise de * Rex ?
« Des accusations d’ambitions personnelles ont
été portées contre moi, s’enflamme * Rex. Je leur ai fait
connaître que toutes les fonctions que j’ai occupées
m’ont été confiées sans que j’en fasse la demande.
J’ai aussi tenu à ce que le procès-verbal de la séance
inscrive que, sur les cinq accusations proférées par
*Charvet [Frenay], quatre sont inexactes. »
*Rex a ensuite déclaré au Comité directeur que
l’extension des pouvoirs du général Delestraint sur
les deux zones était une décision personnelle du
général de Gaulle et que, devant une telle décision, il
fallait « être au garde-à-vous, comme à Bir Hakeim ».
Cette réplique a évidemment suscité l’opposition
immédiate de Frenay : « Le Général a fait une erreur
que nous ne sommes pas obligés d’endosser. »
Pour clore cette mémorable séance, * Rex a lu le
passage d’une lettre que le Général lui avait adressée le 22 octobre 1942 : « Le Comité de coordination agira sous l’autorité du Comité national [deLondres] 15 . » Rex précise à l’intention de Bidault que« cela a provoqué les plus vives protestations des
membres du Comité ».
Je sens * Rex fatigué par ce surprenant compte
rendu, certainement le plus long que j’aie
entendu sur une séance du Comité directeur, que
Bidault a écouté de bout en bout silencieusement.
La dernière phrase de * Rex me semble particulièrement inquiétante. La conclusion que j’en tire est
simple : j’ai l’impression que sa mission auprès du
Comité directeur est achevée. Depuis le départ
d’Emmanuel d’Astier de La Vigerie et Jean-Pierre
Lévy, la rupture entre Frenay et * Rex est consommée. J’ignore le pouvoir de Frenay à Londres. Va-t-on l’y conserver, comme le souhaitent * Rex et
d’autres, ou le renvoyer après quelques réunions,
avec ses acolytes ? Si on les réexpédie tous les trois
en France, il me semble évident que * Rex devra
changer de mission et partir à Londres. Pour la première fois, je m’interroge sur ce que je vais devenir
sans lui.
Tout à ma mélancolie, après l’avoir raccompagné
rue Cassini, je rentre à pied à Montparnasse. Je
découvre que je suis incapable d’envisager mon avenir sans lui.
Vendredi 30 avril 1943
Deux télégrammes de la zone sud
Van Dievort me fait parvenir deux télégrammes
de * Rex que j’archive précieusement.
Le premier indique qu’il estime avoir achevé lacomposition du Conseil de laRésistance 16 . Je lis ce
texte avec passion, car une étape est franchie : « […]
en confiant, conformément à mon projet primitif,
l’exécutif au Comité de coordination des mouvements
et non pas à la Commission permanente — Les
mouvements m’ont donné leur accord complet. »
Cette dernière phrase ne correspond pas exactement à la réalité, puisque la création du Comité de
coordination à Paris imposée par * Brumaire a obligé
*Rex à modifier son projet en supprimant la Commission permanente. Par ailleurs, je le trouve bien optimiste d’écrire qu’il a obtenu l’« accord complet » des
mouvements.
Le second télégramme réclame que le BCRA tienne
ses promesses au sujet du personnel qu’il a promis de
lui expédier depuis plus d’un mois
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