Alias Caracalla
irrésistiblement.
Il existe toutefois entre nous une barrière invisible : c’est un résistant, et non un Français libre.
Malgré tout, il est différent des autres résistants :
comparé à * Lorrain ou à * Claudius, c’est un joyeux
drille. Il n’empêche que je reste sur mes gardes.
J’ai compris que certaines de ses déclarations ne
s’adressaient pas à moi, mais à * Rex. Ne suis-je pas
au cœur du dispositif, même si je suis sans autorité ?
De plus, les résistants savent que je sais… Heureusement, mon adolescence solitaire m’a formé au
secret.
J’ai raison de me méfier, puisque Copeau attaque
à découvert, selon son habitude : « Tu devrais dire à
ton patron qu’il corrige son autoritarisme. Il ne faut
pas qu’il s’imagine qu’il va mettre la Résistance à sa
botte. » Il m’explique que l’ensemble des mouvements, y compris ceux de la zone nord, sont opposés au « capitaine » Frenay, mais que cela ne veut
nullement dire que * Rex peut réduire les mouvements en esclavage aux ordres de De Gaulle.
Il me questionne longuement sur les causes du
mauvais fonctionnement de la radio, avant d’ajouter : « Il faut que tu organises un réseau qui nous
mette en relation directe avec le BCRA. » Brusquement, je me retrouve plongé au milieu d’une bataille
qui n’est pas la mienne.
Je lui réponds : « Nous n’avons ni les postes, ni
les opérateurs promis.
— Tu viens de recevoir neuf postes.
— Peut-être, mais c’est pour le SOAM et le BOA.
— Dorénavant, c’est nous qui dirigerons ces organismes. Ils sont constitués avec les hommes desmouvements et sont prêts à recevoir les saboteurs
ou les radios dont nous avons besoin. Il n’y a aucune
raison qu’ils soient sous le seul contrôle de * Rex. »
J’ai l’habitude de ses coups de gueule sur d’autres
sujets. Je me réfugie comme à mon habitude derrière les formules dilatoires : « Les agents du BCRA
font partie d’une organisation militaire dirigée par
les Anglais. Ceux-ci exigent de former eux-mêmes
les techniciens. N’oublie pas qu’ils sont maîtres de
tout : finances, radios, armes. Je serais très étonné
qu’ils acceptent de livrer la direction de leurs agents
et de leur matériel à des inconnus. »
Je me garde de prononcer le nom de * Rex. Il rétorque : « Je comprends pourquoi il t’a choisi : tu es
aussi retors que lui. » Puis, faisant aussitôt diversion, ajoute : « Es-tu allé au théâtre récemment ?
— Non, pas depuis mon arrivée.
— Il faut conserver le temps du plaisir, sinon on
se perd de vue et on crève. En tout cas, tu ne dois
pas rater la Comédie-Française. »
Quel drôle de garçon, attachant et dangereux à la
fois. Il est bien question pour moi de la Comédie-Française !
Mercredi 28 avril 1943
Quand il vous plaira
Les quelques chefs de mouvement et hommes
politiques que je rencontre, veulent tous parler
à * Rex.
Le colonel * Langlois, de l’OCM, se fait menaçant : « Qui représente-t-il puisque je ne peux lerencontrer ? Connaît-il seulement le nom de notre
mouvement ? »
Craignant ce ton, je m’efforce de paraître le plus
aimable possible et lui offre de rencontrer * Rex
n’importe quel jour, à n’importe quelle heure. Il me
regarde surpris. Je le fixe droit dans les yeux :
« Quand il vous plaira. »
Jeudi 29 avril 1943
Revoir le patron
Mon rendez-vous avec * Germain, à 8 heures, est
un choc : il m’annonce l’arrestation de Jean Ayral
hier matin, ainsi que son évasion en fin de matinée
et sa nuit dans un grenier. Il veut me voir et me
donne sa nouvelle adresse.
J’ai hâte de le rencontrer, mais, auparavant, je
dois en informer * Rex, qui arrive de Lyon à 10 heures.
En quittant la gare avec lui, je profite d’un instant
où la foule est moins pressante autour de nous pour
lui annoncer, à voix basse, l’arrestation de mon camarade. Je peux juger à son silence, durant le parcours, l’importance des plans qu’il essaie de rebâtir
pour la direction des officiers d’opération.
Arrivés rue Cassini, je lui indique les mots urgents
(de tout le monde) et les rendez-vous que j’ai pris,
dont les principaux, à mes yeux, sont le déjeuner avec
le colonel * Langlois et le dîner avec Georges Bidault.
Après avoir fait sa toilette, * Rex répond à chaque
message, soit par un billet adressé à tel ou tel, soit
en me demandant de répondre à sa
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