Alias Caracalla
— * Morinaud,
Pélabon, * Sauvier, * Cléante… : « absolument nécessaire faire ici politique et présence ». Que dire de
plus pour convaincre ?
Heureusement, parmi les papiers reçus, se trouvent « les observations générales » de la préfecture
de Haute-Savoie, qui me semblent pleines de promesses dans leur conclusion : « De tout cœur avec
“ceux du maquis”, nerveuse et inquiète dans l’attente
de grands événements d’ordre militaire, telle semble
l’opinion publique de mon département à la fin de
ce mois d’avril. »
Dimanche 2 mai 1943
Un déjeuner de travail
J’ai reçu un billet de * Coulanges. Il m’invite à
déjeuner chez Ruc , en face de la Comédie-Française.
Lorsque je le retrouve, je constate un changement
dans son allure. Il semble avoir retrouvé son assurance en réintégrant son cadre parisien. Dans ce
restaurant de l’avenue de l’Opéra, il est chez lui,
moins voyant en tout cas que certains clients à la
mode, sans parler de l’exubérance des Parisiennes,
qui, dans cette époque de pénurie, exhibent chapeaux, ombrelles et sacs-valises ultravoyants.
Il me remercie des facilités que je lui ai procurées
dans ses contacts et me demande d’organiser ses
prochains rendez-vous à Paris, en particulier avec
les membres du CGE. Au cours de la conversation,
il me révèle qu’une de ses anciennes collègues souhaite aider les résistants.
J’ai appris à me méfier de ces propositions miroitantes, dont j’ai constaté les fiascos répétés. Je ne le
lui fais toutefois pas répéter : « Ça tombe à pic, lui
dis-je, je cherche un bureau pour ma secrétaire.
Croyez-vous qu’elle pourrait m’en trouver un ?
— Je suis sûr qu’elle sera comblée de vous aider.
Venez en fin de journée au 26 rue Vavin, quatrième
étage. Demandez Mlle Dourne. »
Nous passons aux choses sérieuses : les mouvements et leurs chefs, hantise des agents politiques à
leur arrivée de Londres. Plus inhabituelles sont ses
questions sur mes camarades du BCRA en mission
en France. Ma réponse tient en une réplique : « Nous
sommes tous des volontaires de juin 1940. » Je souligne intentionnellement, car je suis certain qu’il
n’en est pas un.
*Coulanges change de cible : « Et les résistants ? »
Nettement plus à mon aise, je lui réponds avec
assurance : « Nos équipes personnelles sont constituées de filles et de garçons d’un dévouement sans
limites. Malgré tout, ce ne sont pas des Français
libres, sans doute parce qu’ils ne sont pas soldats.
Ils vivent avec leurs familles, au milieu de leurs
amis, dans des maisons ou des appartements qu’ils
n’ont jamais quittés. Aucun ne connaît la solitude
de l’exil. »
Je prends un malin plaisir à répéter : « Ils
n’étaient pas à Londres en juin 1940. »
Au cours de nos conversations, j’ai compris que
*Coulanges occupait un poste influent auprès
d’André Philip. Mon seul avantage sur lui est la date
de mon engagement : aux yeux de mes camarades,
cela vaut tous les grades et toutes les décorations.
Lorsque, ce soir, j’arrive en avance devant le
28 rue Vavin, je suis surpris par sa façade tapissée de carreaux de faïence blancs. Je grimpe à
l’étage. * Coulanges m’accueille en compagnie de
Mlle Dourne.
Comme je renouvelle ma demande à cette dernière,
elle me répond en souriant : « Vous pouvez travailler dans mon appartement. Je le quitte le matin
vers 8 heures et demie et reviens le soir à 7 heures.
Vous êtes chez vous toute la journée. »
Grâce à cette inconnue, j’ai enfin un bureau en
plein Paris. À cet instant, je me sens vraiment le
« patron » de ma petite équipe. Dès demain, * Madopourra s’y installer avec sa grosse Remington, des
feuilles blanches et du papiercarbone 17 .
Lundi 3 mai 1943
Distribution des budgets
*Rex, reparti pour la zone sud, m’a prescrit quelques distributions de budgets, notamment à la CGT
et à deux nouveaux groupes, le Syndicat chrétien et
Défense de la France.
Après la CGT, à qui je donne la plus grosse somme
(1,2 million de francs), je suis curieux de rencontrer
le responsable du Syndicat chrétien, qui me fixe
rendez-vous à son bureau, situé dans l’immense local
du quai Branly.
L’incroyable confiance aboutissant à donner son
adresse, ne serait-ce que celle de son lieu de travail,
est une des différences, que je remarque non sans
inquiétude, avec la
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