Alias Caracalla
place ou en me
confiant un message verbal.
Je lui reparle de l’arrestation d’Ayral, hier, qui
nous concerne tous, et lui détaille les circonstances
de son évasion courageuse quelques heures après :
sa présence d’esprit, la bousculade des sentinelles, la
dégringolade de l’escalier, la porte à tourniquet.
« C’est digne d’un Français libre, répond * Rex. Malheureusement, il est brûlé et doit repartir “là-bas”. »
Avant de commencer à rédiger sa lettre, il me
considère : « Connaissez-vous bien * Pal ? » Est-ce la
fixité de son regard à cet instant ? Je l’interprète,
peut-être à tort, comme un doute sur cette histoire
rocambolesque et réagis passionnément : « * Pal est
un frère. Nous avons été parachutés ensemble. J’en
réponds comme de moi. »
Sans un mot, * Rex rédige la lettre. Il le félicite
pour son exploit et lui exprime ses regrets de l’inviter à rentrer à Londres. Quand il a achevé, il me tend
la feuille : « Remettez-la-lui avec mes félicitations
pour son courage exemplaire. C’est un modèle pour
nous tous. »
Je pense à Jean, au choc de l’annonce de son renvoi à Londres. * Rex ne commet-il pas une injustice ?
Sa décision est un coup dur pour le BOA, qui perd
son chef et ne compte plus que trois agents : * Kim,*Bel 13 et*Rod 14 .
Sans que j’aie eu le temps de réfléchir, * Rex
m’annonce que * Kim devient le nouveau chef du
BOA et me demande d’organiser un rendez-vous avec
lui : « Recommandez-lui la plus extrême prudence.
J’ai besoin de lui. » Je me garde de tout commentaire et enchaîne avec les autres messages.
Ce soir, nous dînons place de la Sorbonne avec
Bidault. Curieusement, lorsque * Rex arrive après
nous, la manière chaleureuse dont il serre la main
de Bidault, les mots « j’avais besoin de vous revoir »
me frappent : est-il plus seul encore que je ne le
crois pour manifester le bonheur de dîner avec un
de ses collaborateurs ?
Depuis son voyage à Londres et la nomination du
général Delestraint, j’ai l’impression confuse que * Rex
joue sa mission dans ses rencontres avec Frenay et
les mouvements de zone sud. La Résistance, qui a
pris conscience de son importance politique depuis
le refus des Américains de recevoir de Gaulle en
Afrique du Nord, existe maintenant avec plénitude.
Elle s’est développée durant plus de deux ans sans
de Gaulle. Elle occupe toute la France, tandis qu’il
est en exil. Et je sais depuis longtemps que les chefs
ne le considèrent que comme leur « représentant »
vis-à-vis de l’étranger.
L’absence de * Rex durant plus d’un mois et la
fusion des trois mouvements en un seul ont dressé
Frenay et d’Astier de la Vigerie contre lui. Ils exigent
désormais d’avoir accès directement à de Gaulle, dont
ils s’estiment, d’une certaine manière, les égaux.
Pendant que * Rex, à Londres, voyait son pouvoir
renforcé (représentant du Général pour toute la
France, président du Conseil de la Résistance et
ministre du CNF), les résistants de zone sud, eux,
découvraient leur force et refusaient toute soumission à un simple représentant de Londres. Depuis le
débarquement en Afrique du Nord, ils ont parfaitement compris l’obligation dans laquelle se trouve leGénéral d’apparaître auprès des Alliés comme le
chef de toutes les résistances en France.
Du coup, ils réclament le désaisissement de * Rex
de sa fonction de président du Comité directeur et
l’établissement de leur représentation à Londres
afin de négocier à égalité avec de Gaulle les besoins,
l’organisation et le commandement de la Résistance
en France.
Dès son retour, * Rex a pris conscience de ce changement, dont, paradoxalement, il est responsable
puisqu’il a réussi en quelques mois à transformer
les mouvements de zone sud en une force unique.
Depuis lors, toutes les discussions qu’il a avec les
chefs de cette zone entraînés par Frenay tournent
autour du même sujet : Qui est le véritable chef de
la Résistance ?
Si je n’avais pas encore saisi tous les détails de
cette affaire complexe, ce dîner me révèle la rupture
totale que vit * Rex. En l’écoutant, je discerne qu’il a
compris que Frenay et lui ne peuvent plus continuer à diriger la Résistance : le compte rendu qu’il
fait à Bidault révèle l’ampleur du divorce.
Depuis le 23 mars, date de la première réunion du
Comité de coordination, jusqu’à la
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