Alias Caracalla
m’étonne d’avoir défendu avec passion la Résistance. Comme les autres Free French , jene confonds pas la Résistance et la France libre. De
même, il existe pour nous deux résistances : celle
des militants et celle des chefs. L’une est faite des
équipes de filles et de garçons qui nous entourent et
qui accomplissent, avec bonne humeur et dévouement, les tâches les plus ingrates. À l’inverse, nous
nous moquons des chefs, qui ne ressemblent en rien à
nos supérieurs dans l’armée que nous admirons.
Il est vrai qu’il s’agit d’une frange minime de la
Résistance.
Curieusement, * Rex, en dépit de son irritation permanente, est plus indulgent à leur égard, cependant
qu’il réserve sa sévérité aux services de la France
libre, dont il dépend techniquement.
Jeudi 20 mai 1943
Delestraint écrit à de Gaulle
Bien que le terme « gentil » soit mal adapté à
un général, c’est pour moi la caractéristique de
Delestraint. Après le pataquès affreux de son arrivée à Paris, il ne m’en a nullement voulu et a toujours marqué une certaine gentillesse à mon égard.
Je le vois de temps à autre : pour des rendez-vous
avec * Rex ou le départ de courriers qu’il me remet.
Aujourd’hui, il me confie une lettre pour le général
de Gaulle et me demande de la montrer à * Rex afin
qu’il constate l’état d’avancement de son travail, ainsi
que les problèmes qu’il rencontre.
Au début de la lettre, il confirme au Général
l’accord étroit avec * Rex que j’observe depuis le
début : « Max, avec qui je marche la main dans lamain, vous a mis au courant des graves difficultés
que nous créent l’attitude et les agissements de F.
[Frenay]. »
Les cinq lignes qu’il lui consacre me semblent peu
de chose par rapport à la farouche opposition de
Frenay, qui refuse d’abandonner le commandement
de l’Armée secrète au chef désigné : « J’ai trouvé
tout ici, écrit le général de la zone sud, dans le plus
grand désarroi : mesures inopportunes prises par F.,
divergences de vues portées sur la place publique,
mon autorité complètement sapée et, conséquences
inéluctables, nombreuses arrestations dans les EM
[états-majors], police secrète et Gestapo prenant
comme objectif l’AS. »
D’une phrase, il condamne cette attitude : « […]
je n’ai que faire des politiquarts [ sic ] et gens sans
discipline. »
Delestraint termine sa lettre par une affirmation qui
résume sa vie : « Je ne fais pas de politique sauf la
vôtre : celle de la France, et risquant ma peau tous
les jours, personne ne peut contester que je ne songe
qu’à une chose : à me battre. »
Sur ce plan, je l’admire sans réserve. Mais le peu
que je connais de lui me faisait craindre le pire :
est-ce sa gentillesse à mon égard ou le fait d’être si
« général » au milieu des risques surgis de tous les
horizons et de tous les milieux ?
Ce n’est pas l’avis de * Rex, qui se bat en toute occasion pour l’imposer. À personne je n’oserais avouer
ma vérité.
Vendredi 21 mai 1943
Un dîner studieux
Nous retrouvons Bidault à la brasserie de la
Sorbonne. Avec * Rex, il doit mettre au point la
motion qu’il compte faire voter par le Conseil. Ce
texte décisif en faveur de la légitimité du Général
justifie à lui seul l’existence de cet organisme.
Bidault le présente au nom du Parti démocrate
populaire, dont il est le représentant. * Rex lui a
communiqué il y a quelques jours un canevas qu’il
devait mettre en forme.
La première partie de la motion rend hommage à
tous les combattants : les Alliés, l’armée d’armistice,
le colonel Leclerc, les Forces françaises combattantes,
l’armée de Giraud. Ensuite, elle félicite de Gaulle et
Giraud de leur prochaine rencontre à Alger afin de
réaliser l’unité des forces dressées contre l’ennemi.
La Résistance exige (selon le slogan de * Rex) que
l’armée française ressuscitée soit confiée à Giraud
et le gouvernement à de Gaulle.
Assis au fond de la salle, * Rex prend connaissance
du texte apporté par Bidault : « Excellent, comme toujours ! À la pensée, vous ajoutez le style. » Feuille à
la main, il relit certains passages et s’arrête sur la
fin de la première page : « Si vous le permettez, cher
ami, je vous suggère un ajout afin de renforcer l’autorité du Conseil, en indiquant qu’il exprime l’opinion française qui lutte sur le
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