Alias Caracalla
sol de la métropole
occupée. »
Il poursuit sa relecture : « Après l’affirmation
d’un “gouvernement unique et fort”, il faudrait
répéter la condamnation d’“une dualité de direction” ainsi que l’exigence d’un gouvernement provisoire. »
Il continue : « Lorsque le Conseil demande que le
gouvernement soit confié à de Gaulle, je vous suggère d’insister : “C’est le devoir du Conseil de l’affirmer avec netteté.” Également, à la fin de la phrase
“Préparer la renaissance de la patrie détruite”, il me
semblerait judicieux d’ajouter “comme des libertés
républicaines déchirées”. Enfin, avant d’énumérer
les membres du Conseil, il serait approprié de souligner la nécessité de cette solution conforme à la
volonté de la France. Ne craignez pas de la répéter
dans la dernière phrase. »
Bidault griffonne les corrections sur l’exemplaire
qu’il a conservé. En quelques minutes, il les transcrit au propre, puis les lit à * Rex, qui les approuve.
Bidault m’indique qu’il m’en remettra un double
dactylographié demain.
Samedi 22 mai 1943
Présence du Général
Ce matin, j’ai rendez-vous avec * Rex au Cluny , au
coin des boulevards Saint-Germain et Saint-Michel.
C’est un de ses cafés de prédilection pour le travail.
Parmi les lettres que j’apporte, il y a deux mauvaises nouvelles : l’une révèle que Laniel a voté en
faveur de Pétain en juillet 1940. * Rex l’ignorait. Il ne
comprend pas que personne ne l’ait averti : « Quel
cadeau pour les communistes ! Pourquoi ne m’a-t-on
pas mis en garde ? Bastid m’a assuré qu’il était le
seul présentable à l’Alliance démocratique. Que doivent être les autres ? »
L’autre message annonce que Moustiers vit en effet
en Belgique et qu’il refuse de se déplacer. « Évidemment, dit * Rex, quand il y a du danger… Il faudra
attendre la Libération pour assister à la bousculade ! »
J’ai gardé pour la fin le message tant attendu du
général de Gaulle. Parachuté hier, il m’a été remis
par Schmidt ce matin, et je n’ai pas eu le temps de
le lire. La mauvaise humeur de * Rex se dissipe. Le
manifeste de De Gaulle est rédigé sur son papier à
lettres à l’en-tête du 4 Carlton Garden. Il est constitué de deux feuilles de quatre pages, où s’étale son
écriture molle et penchée.
Durant la lecture, son attention est extrême. « C’est
parfait, dit-il. Comme toujours, il va à l’essentiel. »
Puis, semblant se raviser : « Peut-être aurait-il pu
insister sur la réforme des partis. » Finalement, il
rayonne et répète : « C’est parfait ! »
À la fin de sa deuxième lecture, * Rex me regarde,
même si je sens que ce n’est pas à moi qu’il s’adresse :
« Grâce à ce message, la Résistance entendra la voix
de son maître. »
Chaque fois qu’il reçoit des nouvelles personnelles de Londres, surtout du Général, il éprouve le
sentiment réconfortant de ne plus être seul dans sa
lutte pour constituer un tout avec les morceaux épars
des résistances. Pour une fois, ce ne sont pas seulement des directives anonymes, mais le Général lui-même qui lui apporte son appui sans réserve.
Rex me confie le texte : « Apportez-le-moi à la
réunion du 25. »
Rentré chez moi, je ne résiste pas à la curiosité
de lire le message de De Gaulle. Évidemment, tout
y est : « La formation du Conseil de la Résistance,
organe essentiel de la France qui combat, est un
événement capital. »
Je suis heureux de cet hommage à * Rex qui en est
l’inventeur et le réalisateur. Comme toujours, j’admire
la prose du Général :
L’unité des buts et des sentiments entre la
masse de la nation et ceux de ses fils qui combattent dehors, se traduit par « l’unité dans l’action » .
Et de Gaulle de répéter ce que * Rex s’efforce de
mettre en œuvre depuis des mois : la Résistance
« forme un tout cohérent, organisé, concentré »,
ajoutant : « Notre intérêt immédiat, notre grandeur
de demain, peut-être même notre indépendance sont
à ce prix. »
Quant au futur, de Gaulle est catégorique : le
Conseil doit apparaître comme « une sorte de première représentation des désirs et des sentiments
de tous ceux qui, à l’intérieur, auront participé à
la lutte ».
Je suis séduit par ce texte du Général, si présent
au combat que nous menons. J’en retiens surtout
deux
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