Alias Caracalla

mots, qui représentent notre but à tous :
« colossale révolution ».

    Ayant suivi au jour le jour l’évolution du projet de
*Rex, j’admire la conclusion du Général, sa manière
de récupérer la caution de ces chefs qui dénoncent
chaque jour sa politique « annexionniste » et refusent
en fait son autorité.

    C’est une leçon de tactique politique, qui le sacre
chef authentique de la Résistance. Par un formidable
tour de passe-passe, il leur assigne une place majeure
dans des institutions qu’ils refusent de créer…

    Dimanche 23 mai 1943

     

    Changement de programme

    À la fin de notre séance de travail matinale, * Rex
me confie les télégrammes faisant le compte rendu
de la réunion du Conseil de la Résistance… qui se
tiendra après-demain, 25 mai. Ils sont accompagnés
de la liste des participants ainsi que de l’annonce
de la motion votée à l’unanimité par le Conseil. Il
me demande de les coder immédiatement, mais
d’attendre son ordre pour les expédier dès la fin de
la réunion.

    Étonné, je me permets respectueusement de lui
faire remarquer : « Mais si les participants réclament
une modification de la motion ? » Il me considère,
étonné : « Ils la voteront telle quelle. »

    En réalité, * Rex n’a pas encore rassemblé tout
le monde : après le refus définitif de Louis Marin,
il lui faut encore trouver un représentant pour la
Fédération républicaine. Il lui reste deux jours
pour cela.

    À sa demande, j’ai établi un contact quotidien avec*Argonne 22 , militant du Front national, qui se fait fort
de trouver ce représentant grâce au père d’un des
courriers de * Bel 23 , le banquier Pierre Lebon.

    Lorsque, au cours du déjeuner, * Rex évoque ce problème avec * Morlaix, celui-ci minimise l’importance
de la présence de ce représentant : « Le Conseil peut
se réunir sans lui. Après tout, la Fédération républicaine n’a jamais milité dans la Résistance. En tout
cas, cela ne modifie pas la signification politique duConseil puisque Louis Marin est d’accord pour
signer votre motion. »

    *Rex n’est pas de cet avis : « Cette séance doit
consacrer la légitimité républicaine du Général. C’est
la première réunion d’une assemblée représentative
de la France résistante, la première également depuis
la trahison de l’Assemblée nationale, le 10 juillet 1940.
C’est une date fondatrice pour la IV e République.
Tous les représentants des anciens partis doivent
être physiquement présents, comme le seront ceux
des mouvements et des syndicats. »

    Il ajoute : « Depuis Vichy, nous ne leur avons rien
demandé. Aujourd’hui, ils doivent faire leurs preuves.
Avant-guerre, la politique a souffert, entre autres,
de l’absentéisme et des votes par procuration. Si
nous voulons refaire une République militante, il
nous faut être intraitables sur son fonctionnement.
Les ouvriers sont tous les jours à l’usine, pourquoi
les parlementaires ne sont-ils pas à l’Assemblée ? »

    *Morlaix paraît effrayé : « C’est impossible en
deux jours.

    — Eh bien, je retarderai la réunion s’il le faut.

    — Mais tout est prévu pour après-demain : nous ne
pouvons pas décommander seize personnes et les
convoquer à nouveau quelques jours plus tard ! »

    Je doute, comme * Morlaix, que nous puissions trouver le remplaçant du marquis de Moustiers dans un
délai aussi court. Comme lui, je suis effrayé par la
multiplicité des rendez-vous nécessaires pour décommander seize clandestins en deux jours.

    *Rex ne semble pas avoir entendu l’objection de
*Morlaix. Après avoir réfléchi, il prend sa décision :
« Avertissez tout le monde : la réunion est déplacée
au 27 mai, à 2 heures de l’après-midi, même lieu.
Faites le nécessaire avec * Alain. »

    La méthode de * Rex est toujours la même : exposer des arguments dans le but de convaincre. Mais
quel que soit le résultat, il décide seul et commande.
Une fois encore, * Morlaix comprend qu’il est inutile
d’insister  : * Rex est le patron. Et pas seulement le
mien.

    Nous quittons * Morlaix et entrons dans le premier
café que nous rencontrons. Sans un mot, * Rex rédige
plusieurs billets sur le petit bloc de papier qui ne le
quitte pas. « Combien de temps pour obtenir une
réponse ? »

    J’hésite : tout dépend de l’emploi du temps du destinataire. « En général, deux ou trois jours. » Il écrit :
« Très