Alias Caracalla
vindicatif. Son
hostilité envers * Rex reflète la cabale qui gagne
les mouvements. Frenay l’a suscitée par l’envoi de
*Lorrain et *Lebailly à Paris, où ils ont mené campagne contre * Rex, le CGE, le Conseil de la Résistance et
même de Gaulle. Ils veulent inciter les chefs de la
zone nord à proclamer l’autonomie des mouvementspar rapport à Londres au cours de la réunion des
comités directeurs des deux zones qui doit se tenir
prochainement à Paris.
Conforté par cet appui, * Maxime s’est fait le porte-parole de la volonté d’indépendance des mouvements des deux zones. Il envisage, avec ses amis, de
créer de nouvelles institutions, « vraiment représentatives » de la Résistance.
Ces campagnes, amplifiées encore par * Sermois,
ont porté leurs fruits. Les mouvements accusent
désormais * Rex d’être un homme de la III e République, un politicien ambitieux manœuvrant secrètement pour rétablir le régime déchu. J’entends cette
accusation pour la première fois. * Rex serait-il donc
un ancien ministre ? En zone sud, il est « seulement »,
si j’ose dire, l’« homme du Général » ; en zone nord,
c’est celui du passé.
Kaan m’a chargé d’informer * Rex de ces problèmes
et de lui demander des instructions pour contre-attaquer. Le patron ne semble nullement ému : « Pour
le CGE, les nominations de Michel Debré et du
bâtonnier Charpentier, tous deux de la zone nord,
devraient donner satisfaction à * Maxime. Il est naturel
que cette zone ait droit à la parole. Pour le reste,
c’est un novice : tous les ambitieux combattent les
hommes du pouvoir qu’ils veulent conquérir. Il en
est ainsi parce qu’il existe plus d’ambitieux que de
postes à pourvoir. »
Il ajoute : « Vous pouvez rassurer * Dupin [Kaan]. »
J’observe que, selon les circonstances et les interlocuteurs, * Rex peut être indifférent ou au contraire
exaspéré par les mouvements. Philosophe, il commente : « En démocratie, le débat est au cœur de la
politique. Mais il faut savoir conclure et réaliser. Je
crains pour l’avenir. Ils ne savent pas conclure et nesont donc pas des hommes politiques. Vous verrez :
après la Libération, ils continueront de se battre pour
l’Armée secrète et contre le Général. »
Le patron me confie un long rapport qu’il a rédigé
hier. Il enverra l’original d’un terrain de la zone sud
et souhaite qu’une copie soit acheminée par la zone
nord. Cela accroîtra ses chances d’être lu à Londres.
« Codez-le, et faites-le porter à * Kim [Schmidt] pour
sa prochaine opération. »
*Rex revient à *Maxime : « Dites à *Dupin de mettre * Morlaix au courant de l’affaire * Maxime. Rencontrez également Menthon pour l’informer de la
campagne contre le CGE. Demandez-lui de rassurer
les mouvements. »
Je pose une question qui me hante depuis longtemps : « Ne craignez-vous pas les dégâts que * Charvet
[Frenay] est susceptible de causer à Londres ?
— Le Général l’a jugé. Il est peu probable qu’il
revienne en France. »
*Rex a l’air sûr de lui. J’espère qu’il ne se trompe
pas.
Avant mon train de 9 heures, je dois dîner rapidement avec Pascal Copeau, qui m’a envoyé une invitation à Paris. Pour lui, je suis prêt à décommander
tous mes rendez-vous !
Je ne sais quelle dangereuse fascination exerce
sur moi ce grand garçon débonnaire et caustique,
qui fait pourtant partie de la résistance des chefs
et n’épargne ni * Rex ni de Gaulle dans ses critiques.
Il se gêne encore moins pour me rabrouer quand il
estime que je m’égare.
Heureusement, entre nous il y a la Résistance :Copeau est le seul qui me fasse voyager dans la
France des clandestins. Parfois, il se moque de
moi : « Comment peux-tu parler de la Résistance ?
Tu ne connais que les états-majors. Eux gagnent les
guerres, mais ce sont les soldats qui se font tuer.
Évidemment, en Angleterre, tu ne risquais rien ! » Ses
yeux se colorent d’un éclat mystificateur qui me
retient de me lever et de partir.
Ce soir, il se fait plus sérieux : « Pourquoi les gens
de Londres nous laissent-ils tomber ? Ignorent-ils
que c’est nous, le peuple, qui ferons la révolution.
À moins que les bureaucrates ne conspirent à notre
anéantissement ! »
Pour être entendu de lui, je dois me contenir :
« La France libre dépend des Anglais en tout : argent,
matériel, armes, personnel, avions. Depuis mon arrivée,
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