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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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l’Olympia, des autobus
rouges à impériale s’arrêtent lentement pour prendre quelques passagers et repartent à gauche, vers
le centre, ou à droite, vers la banlieue.

    Après le déjeuner, les officiers nous rassemblent
pour nous indiquer nos affectations et le nom de
nos officiers. J’appartiens à la section du lieutenant
Saulnier. Je dois le rejoindre au deuxième étage
avec ma paillasse et ma valise.

    Nous sommes environ quatre cents jeunes en civil,
ce qui provoque un immense désordre.

    Après m’être installé au hasard des places libres àcôté d’autres volontaires, je prends soudain
conscience que je suis séparé de mes camarades du Léopold II . Certains ont choisi l’artillerie, d’autres
les chars ou l’aviation. Moi qui croyais que le groupe
formé à Pau resterait soudé jusqu’à la victoire…

    Je note dans mon cahier :

3 juillet. Brusquement appel. On nous forme
en sections : trois dans la cavalerie, Roy, Rödel,
Bianchi ; trois dans l’aviation ; les deux Moureau,
Labadie, Philippe (dans les chars Laborde) brusquement séparés.

    […] Cette séparation brutale défiant nos volontés me fait comprendre bien des choses : la grandeur de notre geste, la difficulté de l’entreprise, sa
durée — son but fatal, à moins d’un miracle : la
mort — jusqu’à présent j’y avais pensé avec la certitude d’en sortir, ce soir je réalise.

    Philippe Marmissolle vient m’avertir qu’il a fait
ses bagages et qu’il part. Le choc est d’autant plus
intense que je comprends qu’il va quitter l’Olympia
dans l’instant. Heureusement, je demeure avec trois
garçons du groupe, Berntsen, Bott et Montaut, qui
ont choisi l’infanterie et dont les paillasses sont voisines de la mienne.

    Après notre installation, le lieutenant Saulnier rassemble pour la première fois sa section. Souhaitant
connaître ses hommes personnellement, il nous fait
défiler devant lui. Assis derrière sa petite table, il
note nos noms sur un carnet.

    Depuis mon arrivée en Angleterre, le mien, quel’on me fait répéter à tout propos, est copieusement
estropié. Lorsqu’il m’interroge, j’épelle pour gagner
du temps : «  B-O-U-Y-J-O-U 3  ».

    Après la soupe de 5 heures, nous sommes libres.
J’ai oublié Rödel et descends à la cantine pour retrouver Philippe. Remonté à mon étage avant l’extinction des feux, à 9 heures, j’ai le temps de noter :

3 juillet. J’aurais voulu, pour la dernière rencontre, la dernière entre nous avant longtemps,
prononcer des paroles merveilleuses, qui résument
ce que fut notre amitié depuis dix ans. Finalement
je t’ai retrouvé assis seul à une table et nous
avons discuté sur des riens.

    […] Vraiment ce soir, ça y est : nous sommes
embrigadés, je l’ai senti à la mélancolie qui
m’étreint. Si je n’étais pas si proche de mes
camarades, peut-être des larmes.

    Jeudi 4 juillet 1940

     

    Mers el-Kébir

    Réveil à 6 heures : toilette sommaire, paillasses
repliées et alignées, apple pie et thé.

    À 8 heures, les exercices commencent. Nos chefs
de groupe nous enseignent l’école du soldat (garde-à-vous, alignement, marche au pas cadencé, demi-tour, etc.). À tous les étages, l’immense bâtisserésonne des mêmes commandements, suivis du
martèlement des pas de la troupe.

    Rapidement, un nuage de poussière s’élève du
sol, obscurcissant la lumière des veilleuses : nos
premiers pas provoquent une tempête. À demi
asphyxiés, nous poursuivons en tapant rageusement des pieds.

    À la pause de midi, une rumeur circule : les
Anglais ont coulé la flotte française. Cela nous paraît
si incroyable que nous mettons ça sur le compte de
la cinquième colonne. Le lieutenant Saulnier nous
confirme ce qu’il a entendu à la radio et lu dans les
journaux ce matin même : la flotte britannique a
fait feu sur les navires de guerre français réfugiés à
Oran, faisant plusieurs centaines de morts. Il est
inquiet pour son frère, enseigne de vaisseau sur l’un
des bâtiments.

    L’information, objet de toutes les conversations
pendant le déjeuner, jette la consternation. Presque
tous les Bretons ont un parent ou un ami dans la
marine et sont les plus affectés et les plus virulents.
L’Angleterre n’y est pas aimée, et un mot circule de
bouche en bouche : « Les salauds ! » L’inquiétude
atteint son paroxysme quand ils posent la question :
« Si les Anglais déclarent la guerre à la

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