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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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dans mon
cahier  :

On s’est habitués à cette vie que le premier jour
nous jugions intenable : cinq jours que nous traînons sans être malheureux 6 .

    L’attente d’une place au réfectoire, la lecture des
journaux et les discussions sur les rumeurs contradictoires meublent les journées.

    Mardi 2 juillet 1940

     

    « Changement de crémerie »

    Je note dans mon cahier :

Il faut se connaître soi-même, quand cela ne
servirait pas à trouver le vrai, cela au moins sert à
régler sa vie, et il n’y a rien de plus juste (Pascal).

    Malgré ma fatigue non pas physique, mais cérébrale, les souvenirs familiaux, les préoccupations
morales et politiques émergent progressivement des
limbes.

    Au-delà des citations d’écrivains modèles qui meublent ma mémoire, c’est à toute heure du jour que
je rejoins Domino. Plaisir romantique de lui écrire
des lignes qu’elle ne lira peut-être jamais.

    Ce bain de nostalgie bienfaisante est interrompu
brusquement aujourd’hui. Après avoir dîné très tôt,
la centaine de volontaires (sur plus de trois mille
réfugiés) est appelée à descendre dans la cour avec
sacs et valises. On nous annonce que nous allons
rejoindre un centre où sont rassemblés les volontaires de la légion de Gaulle.

    À 7 heures et demie, nous partons à pied pour la
gare.

    ----
    1 .   En réalité, ils n’arrivèrent que le lendemain.
    2 .   En dépit de l’ouvrage définitif et historiquement exemplaire
de Jean-Louis Crémieux-Brilhac, La France libre . De l’appel du
18 Juin à la Libération (Gallimard, 1996), le vécu au jour le jour des
volontaires qui composèrent le bataillon des chasseurs de la légion
de Gaulle n’a pas été raconté. Le seul témoignage public est celui
d’Yves Guéna, dans Le Temps des certitudes (Flammarion, 1982) . D’une écriture forte, il en trace un portrait juste et émouvant,
hélas très court. Plus étoffés, les journaux d’autres camarades,
Beaugé, Dupont, Huchet, Missoffe, Silvy, sont demeurés confidentiels. J’ai été frappé en lisant, depuis 1980, les journaux qui m’ont
été confiés de la similitude des sentiments, en dépit de nos origines
si différentes, qui animaient notre troupe squelettique. Les quelques centaines de garçons qui, après le désastre de la France,
avaient choisi ce combat désespéré étaient liés par une lame de
fond mentale qui fut, durant quatre ans, et depuis lors, le ciment
inaltérable de leur fraternité. J’ai rédigé ce livre en hommage à ces
garçons de moins de vingt ans, témoins qui se firent, aujourd’hui
oubliés par l’histoire.
    3 .   Henri Beaugé a raconté ses aventures dans un livre de souvenirs, Volontaires de la France libre , publié à compte d’auteur.
    4 .   Cf.  supra , p. 21.
    5 .   Henri Beaugé note dans Volontaires de la France libre  : « Le
soir, après le dernier repas de la journée, une veillée s’organise
dans la cour. Quelques artistes, improvisés mais souvent au talent
certain, conteurs ou chanteurs, nous donnent une représentation.
Je ne peux, en particulier, m’empêcher d’éprouver une certaine
émotion lorsque ce grand pêcheur hollandais aux cheveux blond-roux nous chante si bien Rose de Picardie , chanson qui évoque les
combats de la Grande Guerre dans le Nord. »
    6 .   En recopiant aujourd’hui ces griffonnages, je remarque qu’à
partir de cette période j’avais abandonné, sauf en évoquant
Domino, le « je » tant choyé depuis Gide, en faveur du « nous »,
représentant le groupe puis l’ensemble des volontaires, dont
aujourd’hui encore je ne me distingue pas.

III

     

    OLYMPIA HALL

     

    2-10 juillet 1940

    Mardi 2 juillet 1940

     

    Londres loin des clichés

    Du train qui me conduit à Londres avec mes camarades, j’ai la surprise d’apercevoir des Anglais, hommes, femmes et enfants, agiter les mains aux fenêtres
des maisons de brique bordant la voie. Ils nous sourient en criant des paroles inaudibles.

    Savent-ils que nous sommes français ? Méritons-nous cette haie d’honneur de l’amitié ? Ce peuple
généreux nous pardonne notre trahison. Leur sympathie est si spontanée, si générale qu’elle me semble naturelle. Jour après jour, je constate que mes
préventions à son égard, dont mon éducation m’a
imprégné, étaient peut-être justifiées dans le passé,
mais certainement plus aujourd’hui.

    À la gare Victoria, des autobus nous attendent et
nous

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