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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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au rez-de-chaussée. Ils
rectifient l’alignement, vérifient nos réflexes du
« garde-à-vous, repos » tout neuf. Nous sommes
conscients qu’un événement décisif se prépare.

    Nous avons appris par nos officiers que de Gaulle
avait parlé plusieurs fois à la BBC pour annoncer
la poursuite de la guerre. Aucun d’entre nous ne l’a
entendu. À Anerley, j’ai lu ses interviews et, pour
la deuxième fois, regardé sa photo. Ma curiosité de
le voir n’en est que plus vive.

    Le hasard veut que je me trouve face à l’entrée
par laquelle nous sommes arrivés quatre jours
auparavant. J’ai été placé au premier rang de la section parce que mon costume — j’en possède deux
— est moins défraîchi que ceux de mes camarades.
Beaucoup ont quitté la France en rentrant de la
plage, en espadrilles, sans veste ni le moindre balluchon, et l’on ne nous a pas encore distribué de tenue
militaire. Je suis un des rares volontaires à posséder une chemise propre et une cravate.

    À 9 heures précises, la porte piétonne, découpée
dans l’immense porte coulissante, s’ouvre. Le mur
blanc du bâtiment voisin, éclairé par le soleil, fait
jaillir un faisceau de lumière crue dans la pénombre de l’Olympia.

    Pendant que le colonel Magrin-Verneret ordonne :
« À vos rangs, fixe ! », un officier apparaît. Son corps
se découpe en ombre chinoise sur le fond lumineux.
Il est mince et démesuré. En franchissant la porte, il
se baisse légèrement à cause de son képi. Il s’avance
lentement vers nous, suivi d’un jeune gradé, puis
s’immobilise dans l’alignement des sections et
salue.

    C’est le général de Gaulle.

    Il est vêtu d’une longue vareuse recouvrant partiellement sa culotte de cheval. Sous ses leggings ,
ses jambes trop longues semblent bien fragiles pour
supporter un corps aussi massif  : il me fait penser à
un héron.

    Je n’ai jamais vu de général « en vrai ». Ceux dont
les journaux publient les portraits m’ont toujours
paru vieux. De Gaulle, lui, est plus jeune, mais son
aspect bizarre est accentué par sa voix aux intonations étranges :

Je ne vous féliciterai pas d’être venus : vous avez
fait votre devoir. Quand la France agonise, ses
enfants se doivent de la sauver. C’est-à-dire poursuivre la guerre avec nos alliés. Pour honorer la
signature de la France, nous nous battrons à
leurs côtés jusqu’à la victoire. Notre armée sera
française, commandée par des chefs français.
Vous voyagerez beaucoup, car il faut que, dans
toutes les batailles, le drapeau de la France soit
au premier rang. Ce sera long, ce sera dur, mais
à la fin nous vaincrons. N’oubliez jamais l’exemple des Français qui, dans notre histoire, ont
sacrifié leur vie pour la patrie. Vous devez être
dignes de leur sacrifice. Dans les moments de
découragement, rappelez-vous qu’« il n’est pas
besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir
pour persévérer ».

    Accompagné par le colonel Magrin-Verneret et son
officier d’ordonnance, il se dirige à sa droite pour
faire lentement le tour de nos sections. Tandis que
je fixe au loin la porte d’entrée afin de conserver la
rigidité du garde-à-vous que l’on nous enseigne, il
entre dans le champ de mon regard. Passant devant
moi, sévère, hautain, immense, il me scrute d’un
regard de prophète, puis continue son inspection.

    Revenant à sa place, il nous salue d’un large geste,
effectue un demi-tour et se dirige vers la petite
porte, qu’il franchit en fléchissant à nouveau les
jambes. La porte se referme ; le mur blanc disparaît : c’est fini. Sa visite a duré quelques minutes à
peine.

    Le colonel commande « repos » et nous laisse à la
disposition de nos officiers, qui nous annoncent quartier libre pour la journée.

    Je demeure sur place, abasourdi. Désormais, mon
chef est cet homme froid, distant, impénétrable,
plutôt antipathique.

    Dans un brouhaha de récréation, chacun échange
ses impressions. Ignorant tout de l’armée, dont je
ne connais les pratiques qu’à travers les romans,
ma déception est immense. En écoutant mes camarades, spécialement ceux qui ont fait leur préparation militaire, je reste sans voix : où sont la chaleur,
la complicité, l’enthousiasme des Camelots du roi ?
Je pense à l’accueil que nous auraient réservé
Philippe Henriot ou Darquier de Pellepoix…

    Après avoir retrouvé Philippe à la cantine, je lui
confie ma déception. Il

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