Alias Caracalla
après son retour de Londres.
Durant son absence, j’avais dû faire face à la résistance de la zone sud : période mouvementée, durant
laquelle la fusion des mouvements, lancée au moment
du départ de * Rex, établissait, sans qu’il le sache, de
nouvelles relations avec lui.
Le soir de son retour, quelque chose avait changé
dans nos relations de travail. Plus d’un mois de solitude avait modifié ma conduite. Mon admiration
pour * Rex conditionnait toujours ma soumission à
ses ordres, mais, pour la première fois, je lui avouais
mes désaccords sur certaines des mesures qu’il
envisageait. De son côté, il avait renforcé ses exigences de travail et sanctionnait toute défaillance
dans le rôle qu’il m’avait octroyé.
À Paris, j’avais compris que la grande ville de la
zone nord était redevenue la capitale du pays. Ses
voyages fréquents en zone sud amenaient tout le
monde à poser la question : Pourquoi * Rex ne
demeurait-il pas à Paris pour répondre aux problèmes de toutes les résistances qu’il y avait réunies ?
À Paris, les plus violents à son égard sont * Maxime
et son adjoint * Sermois. Après vingt-deux jours
d’absence du patron, ils ont écrit à * Brumaire afinde lui demander de revenir prendre la tête de la
Résistance en zone nord.
*Rex connaît mal les chefs des mouvements de
zone nord du fait de ses trop brefs séjours. Quant
aux chefs politiques ou syndicalistes, il n’en a rencontré que quelques-uns, lors de la réunion du
Conseil de la Résistance. Depuis des jours, une
question tourne, identique, dans ma tête : Pourquoi
passe-t-il tant de temps en zone sud alors que tout
est à faire ici, à commencer par la mise en route de
l’Armée secrète, dont * Passy a déjà choisi quelques
cadres, et l’organisation de la réunion d’un nouveau
Conseil de la Résistance le 14 juillet ?
Afin de le convaincre, j’ai essayé d’établir la liste
des demandes de résistants, qui, à l’exception de
l’OCM, se montrent aimables avec moi. Tous, syndicats, politiques ou résistants, veulent s’entretenir
avec lui. Que leur répondre, si ce n’est que des problèmes urgents le retiennent en zone sud ? J’ai honte
de leur avouer la vérité : j’ignore tout des raisons de
son absence prolongée.
Cette fois, je suis bien décidé à m’en ouvrir au
patron et à lui faire comprendre qu’il ne peut s’absenter de Paris aussi longtemps. Quelle que soit la forme
de mon exposé et surtout le moment où je lui parlerai, je le ferai.
Cette décision met fin à mon dîner, et je rentre
chez moi pour travailler.
Mardi 22 juin 1943
Caluire entre dans l’histoire
Au rendez-vous de ce matin, * Germain m’apporte
un billet de Pierre Kaan m’annonçant pour l’après-midi une lettre urgente de sa part au patron avant
son retour.
En fin d’après-midi, à 6 heures et demie, j’attends
*Germain sur le quai du métro Châtelet, direction
Saint-Michel. Toutes les demi-heures, je rencontre
mes camarades dans des stations différentes, échelonnées sur la ligne. C’est la méthode la plus efficace que j’aie trouvée pour voir le plus de monde en
toute sécurité : elle allie vitesse et sécurité.
Pour assurer les derniers préparatifs de la réunion
du 24, j’ai rendez-vous à 7 heures et demie à Odéon
avec Kaan et Farge, avec lesquels je dois dîner.
Entre-temps, je dois retrouver * Morlaix à 7 heures à
Saint-Michel.
Assis sur un banc, j’attends donc * Germain. C’est
un moment difficile de la journée, c’est généralement
l’heure où arrive le courrier de * Rex expédié de
Lyon le matin et dans lequel tout est urgent… alors
que ma journée est finie et que ma soirée est consacrée au déchiffrage des télégrammes ou au triage et
à la lecture du courrier de Paris.
Une rame s’arrête. * Germain en descend le premier
et court à ma rencontre. Il est blême : « Le patron ! »
Je comprends avant qu’il ajoute : « Arrêté. »
Tel un boxeur sonné, je vacille, recule et me laisse
tomber sur le banc. * Germain s’assoit à côté de moi :
« * Léopold [Van Dievort] arrive de Lyon. La Gestapo a
arrêté plusieurs personnes, dont Aubrac et * Thomas,au cours d’une réunion en banlieue. Nul ne sait le
nombre des participants. D’autres personnes ont
été arrêtées hier soir, et plusieurs locaux ont été
perquisitionnés par les Boches. Le successeur de
*Rex m’a remis ce billet. »
Une
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