Alias Caracalla

« réoccupation »
de la capitale par la Résistance. Depuis la dernière
séance du Conseil de la Résistance, il n’y a plus de
chef pour faire face à la situation. Les représentants
des mouvements et des états-majors ont tous rencontré * Rex au moins une fois. À mes yeux, quelque
chose ne fonctionne pas.

    Kaan est formel : « Les chefs des mouvements
de zone nord sont engagés dans des modes d’action
plus efficaces que ceux de zone sud. Le départ de
*Charvet en Angleterre, que tout le monde souhaite
définitif, est un incident qui donne plus d’autorité
au CNR. En revanche, * Rex doit être conscient que,
malgré la première réunion, le 27 mai, qui a affirmé
— un peu contrainte — l’union de la Résistance
autour du Général, la réalité du pouvoir est la
conduite de la Résistance. La réunion des deux
comités de coordination, le 24 juin, risque d’être une
révolution. »

    Sans doute ma vision de * Rex a-t-elle quelque chose
d’enfantin, puisque je ne doute pas un instant qu’il
triomphera. Toutefois, la force avec laquelle Kaancondamne son attitude à l’égard de la zone nord
m’étonne de la part de celui que j’ai toujours considéré comme un de ses fidèles collaborateurs : « Je
n’existe que par lui et suis, sans doute, le plus sensible de ses collaborateurs à son absence et à ses
réponses. Mais je ne comprends pas qu’après avoir
consacré l’unité de la Résistance à Paris, il soit parti
deux jours plus tard, pratiquement sans offrir à
personne de projet politique. Le parti communiste
veut prendre la direction de la Résistance. On connaît
le texte qu’il veut faire voter le 14 juillet : * Rex ne dit
rien. Nous n’allons pas quand même accepter que
deux partisans communistes dirigent les quatorze
membres de la Résistance ? »

    Je le sens exaspéré par l’absence du patron et
regrette de ne pas en avoir parlé davantage avec lui.

    Samedi 19 juin 1943

     

    Nouveau courrier de Londres 21

    Revenu à Lyon, je consulte, avant mon rendez-vous avec * Rex à 11 heures, les papiers arrivés il y a
deux jours de Londres. Lisant le texte du 12 juin
1943 adressé par Georges Boris, commissaire à
l’Intérieur en remplacement de Philip, je suis gêné
par les premières pages expliquant naïvement les
réactions de Lévy et d’Astier aux instructions de * Rex
au général de Gaulle : « Ils ont eu communicationdu contenu des instructions et se sont déclarés
d’accord sur l’ensemble. »

    Comment peut-on soumettre à des « étrangers »
un document aussi secret ? Du coup, je comprends
mieux un des câbles de * Rex que j’ai lu auparavant :

Bien reçu instructions douze juin — Proteste
énergiquement contre communication mes rapports à autres chefs officiels France combattante —
même observation pour instructions qui me sont
adressées.

    Heureusement, les chefs continuent leur bataille.
D’Astier de la Vigerie, opposé à * Rex et qui a même
demandé sonrappel 22 , a été par la suite « très choqué des procédés de n o  3 [Frenay] qu’il paraît décidé à
contrer vigoureusement ». L’opposition caractérielle
entre Frenay et d’Astier est une des justifications
les plus sûres de l’autorité de * Rex sur leur comité
directeur.

    Les instructions à * Rex indiquent que de Gaulle
manifeste sa confiance en d’Astier et une volonté de
collaborer « aussi étroitement que possible », ajoutant : « Vous devriez pouvoir travailler ensemble en
bonne harmonie. » Toutefois, Londres lui signale que
*Bernard [d’Astier] a été « assez mécontent » de ses
accusations de « collusion avec * Nef [Frenay] » et
d’ambition politique.

    Après un long examen des positions de * Rex à
l’égard des différents mouvements, Londres examine
le problème financier pour l’avertir que « la création du Comité de la Libération [à Alger] va dans ce
domaine accroître nos difficultés ». Cela justifie la
demande de « rapports circonstanciés » sur le sujet.

    Quant au Conseil de la Résistance, le rapport
signale : « Nous avons été très heureux des bonnes
nouvelles bien que la résolution rédigée par * Rex
sur les limites du pouvoir du Général à Alger nous
ait valu bien des critiques de nos Alliés car elle
fut peut-être maladroitement exploitée. » Ce qui
m’intéresse, c’est la conclusion : « Il n’en reste pas
moins qu’elle fut utile et nous vous en