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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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environ une
demi-heure.

    Après avoir déambulé dans les rues avoisinantes
à la recherche du Soho que mes camarades évoquent
avec gourmandise, nous avisons un restaurant italien, Pinoli’s , à la façade avenante. Il est encore vide
à cette heure, mais les garçons, qui parlent tous
français, acceptent de nous servir rapidement. Ce
sont les premiers « Londoniens » avec lesquels nous
communiquons.

    À notre surprise, ils ne se montrent nullement
concernés par la guerre et n’ont pas la moindre idée
des événements. Des amis leur ont téléphoné pour
leur apprendre que la France avait capitulé. L’un
d’eux a cru comprendre à la radio que les Anglais
continuaient seuls la guerre. Admiratif de Churchill,
il nous affirme que l’Angleterre unanime se mobilise pour repousser l’invasion dont Hitler l’a menacée. Le reste des informations est un peu confus : ils
ne sont pas sûrs que le maréchal Pétain ait déclaré la
guerre à l’Angleterre, mais affirment que les Français
ont bombardé Gibraltar, ce que nous ignorions.

    Comme nous manifestons notre surprise devant
l’atmosphère paisible de la population, un des garçons réplique : « Ici vous n’êtes pas en Italie [il est
napolitain]. C’est ça le flegme britannique (rires).
Les Anglais n’ont pas fini de vous étonner. De plus,
ce sont les vacances. Les Londoniens sont aux bains
de mer ou à la campagne, les marins dans les ports,et les soldats àAldershot 6 . Pour la guerre, il faut attendre. Que voulez-vous faire de plus ? Les Anglais ne
peuvent pas prier Dieu toute la journée pour qu’il
nous donne la victoire… » Un rire général souligne,
sans méchanceté, la naïveté des Français.

    Le menu unique est à 3 shillings et 9 pence. Je
fais le calcul : 30 francs selon le change ; c’est le
double des restaurants que nous fréquentions en
France. Qu’importe, n’avons-nous pas mérité quelques excès ? Le menu en vaut la peine : saumon
fumé, potage, sole, tournedos, soufflé. Nous dévorons notre repas, le premier véritable depuis quinze
jours. Pour fêter notre engagement, la liberté et la
victoire future, nous commandons une bouteille de
médoc à 2 shillings, soit 20 francs, et achevons le
repas par un verre de cognac et un cigare…

    Après le dîner, il est trop tôt pour rentrer à
l’Olympia. Nous achetons un plan de la ville et remontons Regent Street puis Oxford Street jusqu’à Hyde
Park. Ébloui par la profusion de magasins et d’articles inconnus, je cherche un spécialiste des postes
de TSF. Je voudrais en acheter un fonctionnant sur
piles. En France, toutes les radios sont branchées
sur le secteur et de dimensions imposantes. Quelques
années auparavant, j’avais vu à Bordeaux, chez un
de mes camarades, un poste de la grandeur d’une
boîte à cigares et marchant à piles, que ses parents
lui avaient ramené de New York.

    Dans Oxford Street, nous découvrons un immense
magasin ultramoderne : His Master’s Voice (la voix
de son maître). Les vitrines exposent les dernières
nouveautés : albums à couverture brune enfermantdes disques à étiquette rouge pour les classiques ou
pochettes en papier aux étiquettes aubergine pour
le jazz.

    Dans le coin d’une vitrine, j’aperçois l’objet de mes
convoitises  : un poste portatif plus grand que celui de
Bordeaux, mais fonctionnant sur batteries  : 15 livres
(2 600 francs), une somme considérable, qui correspond à la moitié de ce que m’a donné mon beau-père.

    Coupé du monde depuis deux semaines, je suis
prêt à tous les sacrifices pour renouer avec une habitude familiale : connaître le monde au jour le jour.
Le magasin étant fermé le dimanche, je reviendrai
demain.

    Lundi 8 juillet 1940

     

    De Gaulle à la BBC

    Ma seule idée : acquérir le poste de TSF afin d’écouter la BBC, comme nous le faisions à Bescat. Je
retourne seul à His Master’s Voice. Après mon achat,
je rentre immédiatement à l’Olympia.

    Je convie mes camarades de paillasse à la « première » : après quelques tâtonnements, nous entendons la BBC en anglais. Un peu plus tard, le speaker
annonce le programme en français et présente le
général de Gaulle. Sa présence inattendue provoque
parmi nous un silence immédiat. Assis autour de
l’appareil, nous écoutons le Général. Des camarades
qui jouaient aux cartes, reconnaissant sa voix singulière, se joignent à nous.

    Il évoque Mers el-Kébir, dont nous avons

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