Alias Caracalla
d’une centaine d’arrestations.
Le commentaire de Jacques Duchesne à la BBC,
que nous pouvons lire aujourd’hui dans France ,
révèle les craintes des hommes de Vichy :
Derrière cette folle bravoure, ils sentent bien
qu’il y a tout un pays qui se lève. Ils devinent le
travail qui se fait parmi vous. Ils s’aperçoivent
que, peu à peu en France, il n’y a plus de partis,
il n’y a plus de classes, il n’y a plus que les chefs
et les soldats ; une armée immense, une armée
abandonnée, mais qui va combattre, parce
qu’elle a compris maintenant pourquoi elledevait combattre. Les jeunes gens du 11 Novembre ce sont en vérité les premiers morts de cette
guerre.
Pourtant nous vous supplions d’attendre ;
nous avons besoin de vous pour l’avenir. Restez
prêts ; ne dites rien, ne craignez rien ; le signal
viendra ; vous combattrez.
Ce fait d’armes aiguillonne notre impatience : ces
jeunes Français désarmés se battent et nous, surentraînés, croupissons dans l’inaction.
Toutes nos pensées se portent vers Paris, le
Quartier latin et la place de l’Étoile. Comme
Duchesne, tout chasseur d’Old Dean peut s’écrier :
« Nous disons à la France qui les pleure : le rêve
pour lequel ils sont morts, nous le réaliserons. »
Nous apprenons par une allocution du général de
Gaulle à la BBC qu’il est rentré d’Afrique il y a quelques jours. Honneur suprême, il a eu immédiatement un entretien de quarante minutes avec
Winston Churchill :
Il est maintenant établi que si des chefs indignes ont brisé l’épée de la France, la nation ne se
soumet pas au désastre 2 .
Ce discours ne donne pourtant pas matière à rire.
Il nous confie une mission propre à dresser notre
orgueil :
Oui, la flamme de la Résistance française, un
instant étouffée par les cendres de la trahison, se
rallume et s’embrase. Et nous-mêmes, les Français
libres, nous avons le glorieux devoir et la
suprême dignité d’être l’âme de la Résistance
nationale.
À la question « Qui sommes-nous ? », de Gaulle
répond comme toujours avec lyrisme :
Nous sommes une armée, et une armée de
volontaires […] parce que tous, sans exception,
nous n’avons qu’un but : servir. Chacun de nous
est un homme qui lutte et qui souffre — oui qui
lutte et qui souffre — non pour lui-même, mais
pour tous les autres.
Nous sommes touchés de découvrir que de
Gaulle, qui accomplit seul la tâche à laquelle les élites françaises ont renoncé, comprenne notre idéal
et le proclame à la face du monde.
Il annonce des résultats réconfortants : notre
armée compte trente-cinq mille hommes, un millier
d’aviateurs, vingt vaisseaux, soixante navires marchands, des territoires en Afrique, aux Indes, dans
le Pacifique, des associations de soutien dans tous
les pays du monde, des ressources financières croissantes, des journaux et des postes émetteurs.
Au fil des mois, nous avons appris certaines de
ces nouvelles par bribes, mais nous ignorions ce
que nous représentons. Dans les moments de faiblesse, nous nous imaginions que la légion de
Gaulle se composait des seules centaines de soldats
rassemblés à OldDean 3 .
Ce discours ne contient pas seulement des encouragements matériels. Le Général y esquisse, sinon
un programme, du moins une perspective d’avenir
pour la France dans laquelle notre place, celle des
Français libres, est réservée :
Que voulons-nous ? D’abord, combattre. […]
Une telle guerre est une révolution, la plus
grande de toutes celles que le monde a connues.
Ce que nous apportons, nous, les Français libres,
d’actif, de grand, de pur, nous voulons en faire
un ferment. Nous, les Français libres, entendons
faire lever un jour une immense moisson de
dévouement, de désintéressement, d’entraide.
C’est ainsi que, demain, revivra notre France.
Il y a longtemps que nous n’avons vu le Général.
Sa dernière visite, à Morval, remonte au 24 août.
Comprend-il notre attente ? Des Français libres se
battent en Érythrée, en Libye. Nous brûlons de les
rejoindre.
On nous annonce son inspection prochaine. Les
exercices s’intensifient encore. Souhaitant donner
au camp un aspect accueillant, le commandant
Hucher ordonne de décorer l’intérieur de nos huts dans le style des provinces françaises.
Au terme d’un concours, les meilleurs seront
récompensés. Notre groupe est saisi d’une passion
frénétique pour cette entreprise. Il
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