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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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Saint-Elme :

Comment es-tu mon petit ? Ne fais-tu pas des
imprudences ? L’hiver va arriver, méfie-toi du
froid, couvre-toi bien et surtout fais bien attention pour ta gorge qui est fragile. Tout de suitemets des gouttes dans le nez dès que tu sens la
moindre menace de rhume.

    Dans ce jour pluvieux de l’exil, ces conseils dérisoires prennent un sens bouleversant. Mes yeux
s’embuent tandis que ma gorge se serre. Ces mots
de toujours expriment, sous le masque de la banalité, ce qu’aucun autre ne saurait dire plus passionnément : l’irréductible amour de ma mère.

    Elle m’informe enfin de ses relations avec la mère
de Cullier de Labadie et les parents de Berntsen,
dont la famille est repartie chez elle, en zone occupée. J’en avise aussitôt mes camarades.

    La lettre à peine achevée, j’en recommence la lecture, craignant quelque oubli et voulant prolonger
l’illusion de revivre les heures d’autrefois.

    Une ombre me hante, cependant : mon beau-père
m’a annoncé que les Boches habitaient notre villa
d’Aguilera ; je ne pense qu’à ça. Je les vois occupant
ma chambre. Ma pensée dérive ensuite de pièce en
pièce : la chambre de ma grand-mère en face de la
mienne, celle de mes parents à côté… Depuis la
capitulation, un Boche souille, dans mon lit, toutes
les nuits, un bonheur disparu.

    Je passe la soirée à répondre à mes parents et,
bien sûr, à rédiger une longue lettre à Domino. Elle
résume celles que je griffonne chaque jour : « Je
pense à vous — Vous me manquez — Je vous aime
— Attendez-moi. »

    Au réveil, je confie à mon cahier :

24 octobre. Ne jamais s’attacher à quoi que ce
soit au point d’en être prisonnier.

    Lundi 28 octobre 1940

     

    Semaine cruciale

    Ces derniers jours ont installé la France au premier rang des informations. Cela a commencé le
24, avec France titrant sur quatre colonnes : « Hitler
dicte ses ordres à Laval ». Selon le journal, la radio
de Vichy a annoncé leur rencontre en prétendant
que c’était « l’événement le plus important depuis
l’armistice ».

    En dépit de son titre racoleur, France ne dit mot
des entretiens. Toutefois, une conférence de presse
du ministre des Affaires étrangères, Baudouin,
laisse entrevoir l’esprit dans lequel Laval les aborde.
Voici ce qu’il aurait dit :

Si la France est disposée à collaborer avec
l’« Europe continentale », c’est parce que la
France a été envahie trois fois en un demi-siècle
et qu’elle a trop souffert, à cette occasion, pour
ne pas désirer ardemment une paix dans la justice. Notre nouveau régime, en France, donnera
son appui sans réserve à une véritable organisation de l’Europe. C’est dans cet esprit de collaboration internationale avec tous les pays que la
France se prépare à reconstruire son économie.

    Le lendemain, France barrait de nouveau sa une
d’une information hideuse : « Hitler a vu Pétain ».Le journal, ignorant le contenu des conversations et
les accords, en était réduit aux hypothèses rassurantes : « Il est probable que ni Laval ni Pétain
n’ont eu jamais l’intention de déclarer la guerre à
l’Angleterre. »

    Les journalistes imaginent que les rôles se partagent entre les deux hommes : libération du territoire pour l’un, ordre moral pour l’autre : « Laval
est une caricature de Thiers, et Pétain une copie de
Mac-Mahon. »

    Depuis l’armistice, les conditions d’une paix entre
la France et l’Allemagne sont évoquées périodiquement dans les dépêches d’agence : l’Allemagne
annexe l’Alsace et la Lorraine et récupère le
Cameroun et le Togo ; l’Italie exige Nice, la Côte
d’Azur, la Tunisie et Djibouti ; l’Espagne veut le
Maroc et l’Afrique occidentale. Nul besoin d’être
dans le secret des chancelleries pour bâtir de telles
hypothèses. Avec un peu d’imagination, la lecture
des discours des chefs italiens et allemands le
révèle suffisamment.

    Le 26, France titrait : « Seconde capitulation ».
Conclusion du communiqué de Vichy : « La position de la France et son avenir dépendront dans
une large mesure de cette entrevue historique. » Le New York Times croit, lui, à la signature d’un
accord sanctionnant ces concessions territoriales.
Commentant des informations de Berne, il souligne
le peu de probabilités que la France déclare la
guerre à la Grande-Bretagne.

    Aujourd’hui, France publie un texte rédigé

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