Alias Caracalla
oublier
l’objectif qu’il s’efforce d’atteindre : « Anéantir la
France, anéantir son peuple et jusqu’à son histoire. »
Schumann expose la raison politique immédiate
de l’entreprise :
Peut-être espérait-il [Hitler], en redevenant soudain le champion de la croisade antibolchevique,
semer aux États-Unis et dans l’Empire britannique
assez de confusion pour obtenir une paix de compromis qui scellerait l’asservissement de l’Europe
et de la France mais lui épargnerait son châtiment. Cette manœuvre, les Alliés l’ont déjà ruinée.
La campagne de Russie pose à tous un problème
délicat. Il est utile pour les Alliés que Hitler se tourne
vers la Russie afin de relâcher la pression sur
l’Angleterre. Mais, pour la plupart d’entre nous, il n’y
a aucune différence entre le communisme et le
nazisme.
Lundi 23 juin 1941
Duel à mort
Je dévore les commentaires de France . Une énorme
manchette résume l’information : « Agression nazie
contre la Russie ». L’éditorial met en perspective les
enjeux de l’agression :
En 1940, l’absence de la Russie rendit possible
l’écrasement de la France après celui de la Pologne.
L’entrée en scène de la Russie, à l’été 1941, est
un élément décisif dans le duel à mort où les
Alliés sont engagés .
À la BBC, Churchill explique la nécessité de
l’incroyable volte-face politique que représente la
nouvelle alliance. Un passage de ce long discours
me captive :
Le régime nazi n’est pas différent des pires
formes du communisme. Il est dépourvu de tout
principe ; il n’a que les appétits et le goût de la
dépravation humaine. Personne n’a été plus que
moi l’adversaire du communisme ; je ne retire
rien de ce que j’ai dit depuis vingt-cinq ans, mais
tout cela disparaît devant le spectacle qui s’offre
à nos yeux.
L’aveu rassurant de Churchill répond à mes réticences : le communisme est pour moi comparable
au nazisme dans la destruction de nos valeurs, en
particulier du christianisme. Nous sommes nombreux
à le penser : aider les Russes à vaincre les Boches,n’est-ce pas risquer de tomber sous leur dépendance ?
La position pragmatique de Churchill répond à
ce dilemme. Même s’il ne le dit pas, nous espérons
que les deux monstres se détruiront l’un l’autre et
que leur ruine consacrera la victoire des Alliés.
Quelques jours plus tard, le numéro de juillet de La France libre me fait comprendre que l’avenir de
la guerre dépend moins des idéologies en conflit que
des forces matérielles et des positions stratégiques
en présence.
L’analyse de « Strategicus » est éclairante. Par
cette attaque de grande envergure contre l’URSS,
l’Allemagne vient peut-être de commettre une erreur
décisive. Cependant, personne n’est en mesure d’évaluer la puissance militaire russe. Les soldats soviétiques sont d’une combativité exceptionnelle, mais
l’industrie nationale sera-t-elle capable d’entretenir
l’équipement d’une armée de dix millions d’hommes en cas de conflit durable ?
L’objectif des Allemands est de neutraliser l’Armée
rouge et, grâce à l’exploitation des territoires conquis,
de résister aux États-Unis, sinon jusqu’à la victoire,
du moins jusqu’à la « partie nulle ». Les Anglo-Saxons se trouvent, grâce à ce pari risqué de l’état-major allemand, face à une occasion qu’ils doivent
saisir sans hésiter : toutes leurs forces dans la
bataille changeront le cours du destin.
Cette analyse optimiste pointe l’importance de la
résistance de la Russie dans la stratégie générale.
En revanche, elle est accablante pour mon avenir
immédiat : mon seul espoir d’action reposait surune invasion imminente de l’Angleterre. Si fou soit
Hitler, il n’attaquera pas l’Angleterre cette année.
Samedi 5 juillet 1941
Un avenir de combattant
Je bénéficie d’une nouvelle permission d’une
semaine, que je compte passer à Londres en compagnie de Louit, un des dix-sept, que je n’ai pas
revu depuis longtemps.
En attendant l’heure du départ, je tue le temps en
lisant, sur mon lit, dans la hut . Soudain arrive Briant,
guilleret. Il m’entraîne à l’écart : « Ça y est, je vais
me battre.
— Quand ?
— Dans quelques jours.
— Où ?
— En France. »
Je suis interloqué. Lui qui supporte avec angélisme les aléas de notre existence, qui calme mes
désespoirs ;
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