Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
d’Angleterre se tendent. De ce point de vue, 1165 est une date importante. C’est l’année où Thomas Becket, fuyant l’Angleterre, trouve refuge auprès de Louis, lui permettant de se situer dans une position d’arbitre, ou du moins de référent, dans cette affaire qui concerne pourtant l’Église d’Angleterre mais où le pape se trouve obligé de ménager tous les intervenants ; c’est aussi l’année de la naissance de Philippe Auguste que le roi de France considère comme une « insigne et miraculeuse récompense {50} » qui décuple son énergie et le dynamise dans sa volonté de résister aux ambitions hégémonistes de son rival anglais. L’opposition entre les deux souverains se cristallise autour du comté d’Auvergne, territoire qui relève de la couronne de France mais aussi du duc d’Aquitaine et qui se situe stratégiquement entre le comté de Toulouse, le duché d’Aquitaine et les terres du Saint-Empire. Le conflit dure depuis plus de deux ans avec moult rebondissements, changements d’alliances et opérations militaires les plus limitées possible – les deux hommes sont économes de leur argent et de leurs troupes –, tant en Auvergne que dans le Vexin, lequel reste le « terrain de jeux » préféré de Louis et Henri. L’un et l’autre se sont malgré tout gardés d’aller vers un affrontement généralisé.
Au début 1167, un cran est pourtant franchi dans l’escalade. Le comte de Toulouse, qui a répudié sa femme Constance, la sœur de Louis VII, rend visite à Henri au monastère de Grandmont, dans le Limousin, pendant le carême. Raymond V, en lutte avec le roi de France, cherche un appui auprès du Plantagenêt. Louis VII n’apprécie pas du tout la perspective de perdre la suzeraineté sur le comté de Toulouse, lequel, passant sous obédience anglaise, offrirait un accroissement considérable de pouvoir, tant politique qu’économique, à son rival. À la fin du printemps, les deux rois se rencontrent sur la frontière normande sans parvenir à s’entendre ; cette fois-ci, la guerre paraît inévitable. Louis attaque dans le Vexin, brûle Les Andelys et pousse les Bretons à se révolter contre Henri ; il semble même que le roi de France ait envisagé une alliance avec Mathieu de Boulogne pour tenter d’envahir l’Angleterre. Henri II, de son côté, ravage le Perche. Le pape Alexandre III intervient. Il ne peut pas laisser deux de ses soutiens les plus importants s’entre-déchirer. Une trêve est conclue le 7 avril 1168. Dès qu’il a les mains libres du côté français, Henri se retourne contre les Bretons dont il écrase la révolte.
Dans le même temps, jouant d’un éventuel ralliement à la cause de Frédéric Barberousse, le roi d’Angleterre fait reconnaître la validité du mariage de Geoffroy avec Constance de Bretagne par le pape. Il obtient également de ce dernier qu’il suspende Thomas Becket. À contrecœur, Alexandre III interdit à l’archevêque « de prononcer aucune sentence d’interdit, d’excommunication ni de suspense contre le roi et les grands de son royaume » pendant une durée de neuf mois. C’est incontestablement une victoire pour Henri car, depuis son exil en France, l’archevêque agite la menace d’une excommunication contre le roi, menace qui pèse comme une épée de Damoclès sur le souverain anglais et sur le royaume d’Angleterre.
Au cours de cette même année, le roi d’Angleterre doit faire face à une sérieuse fronde des barons aquitains. Les Poitevins ont très probablement été heureux de voir leur comtesse-duchesse revenir auprès d’eux. Ils sont très attachés à elle. Ce qu’ils ont sans doute moins apprécié, c’est la présence de l’« Anglais » Salisbury auprès d’elle. Il est, pour eux, l’incarnation de la volonté d’Henri d’instaurer un pouvoir fort sur l’Aquitaine, à l’image de l’Angleterre et de la Normandie, ce qu’ils ne peuvent accepter. Ils fortifient leurs châteaux et se mettent à comploter « à cause des libertés qui leur avaient été enlevées par le roi », selon Robert de Torigni. La conjuration réunit les principales maisons féodales d’Aquitaine : le comte de la Marche et les comtes Taillefer d’Angoulême, Amaury de Lusignan et ses frères, Robert et Hugues de Silly.
Un événement important va marquer cette période du début de l’année 1168, alors que la rébellion poitevine bat son plein. Pendant la semaine de
Weitere Kostenlose Bücher