Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
aimée. Mathilde d’Anjou s’éteint à Rouen en septembre 1167. Gautier Map, qui ne l’a jamais portée dans son cœur, commente ainsi sa disparition : « C’était la fille d’un excellent prince et de la sainte reine Mathilde, et la mère d’un bon roi. Mais elle-même, entre ces excellents personnages, fut exécrable. » Avec la mort de sa mère, Henri II est maintenant seul face à lui-même. Thomas s’est le premier dressé contre sa volonté, Aliénor ensuite s’est détachée de lui et enfin la vieille reine Mathilde rend son âme à Dieu. En un peu plus de trois années, le roi d’Angleterre perd les trois personnes qui le connaissaient le mieux, qui lui étaient le plus proches et qui seules pouvaient parvenir à le tempérer.
Aliénor quitte l’Angleterre au cours de l’automne. Elle n’y reviendra que sept ans plus tard, contre son gré. Pour l’heure, elle embarque à Douvres avec la jeune Mathilde qu’elle accompagne jusqu’à Rouen. La princesse continue ensuite seule sa route vers les lointaines terres de Saxe. Aliénor rejoint Henri à Argentan où ils tiennent ensemble leur cour de Noël. Ils ne se sont pratiquement pas vus de l’année. Pendant ces semaines, peut-être ont-ils des conversations au cours desquelles ils définissent la manière dont ils vont vivre désormais. Car Aliénor veut retourner à Poitiers. Il est au fond assez surprenant de voir avec quelles facilité et rapidité la duchesse d’Aquitaine se replie sur ses terres et semble abandonner des ambitions qu’elle avait faites siennes par amour, mais qui n’étaient peut-être que celles de son mari. Lors de son divorce d’avec Louis, elle était retournée avec bonheur vers son Poitou et sa ville tant aimée de Poitiers ; s’éloignant d’Henri elle fait la même chose. Elle lui abandonne aisément le reste de l’empire mais l’Aquitaine et le Poitou sont à elle. Elle veut prendre leur fils Richard avec elle. De tous les enfants du couple, c’est celui avec qui elle a le plus d’affinité. Il est son fils préféré, son fils chéri… tous les historiens l’admettent. Aliénor, qui est si peu maternelle, est une mère passionnée pour Richard. Elle veut que son héritage lui revienne. Peut-être est-ce elle qui provoque des discussions sur le partage de l’héritage qu’ils laisseront à leurs enfants. Dans les mois suivants, les choses se précisent dans l’esprit du roi qui décide qu’Henri le Jeune héritera des possessions venant des Plantagenêt : la couronne anglaise, le duché de Normandie et les comtés d’Anjou et du Maine ; Richard aura l’Aquitaine et le Poitou, Geoffroy la Bretagne… il ne reste rien pour Jean. L’enfant vient juste d’avoir un an mais son surnom est déjà trouvé. Pour l’histoire il sera Jean sans Terre.
Pendant l’hiver 1167/1168, il est donc décidé qu’Aliénor s’installera à Poitiers avec Richard, âgé maintenant de dix ans. Le roi accepte d’autant plus volontiers qu’il n’est jamais parvenu à imposer complètement son autorité sur les vassaux d’Aquitaine. Depuis plusieurs années, les terres de la duchesse sont dans un état d’agitation permanente. Henri pense que la présence d’Aliénor ne peut que calmer les choses. Il juge pourtant prudent, étant donné la situation, de lui adjoindre un homme aguerri et sûr : Patrick de Salisbury. Outre le fait qu’il est indispensable, pour Aliénor, d’avoir à côté d’elle un homme capable de mener les actions militaires nécessaires pour ramener les trublions à la raison et assurer le maintien de l’ordre, il n’est pas extravagant de penser qu’Henri place à côté de sa femme un homme chargé, si ce n’est de la contrôler, du moins de la surveiller ; un de ces « Anglais » issus de l’aristocratie insulaire sur laquelle le roi s’appuie pour gouverner. Peut-être une certaine méfiance s’est-elle introduite dans l’esprit du Plantagenêt à l’égard d’Aliénor ? Peut-être a-t-il compris qu’elle ne sera plus le soutien indéfectible qu’elle a été jusque-là ? Et sans doute son intention est-elle de ne lui concéder le gouvernement de l’Aquitaine qu’en apparence… J’ai du mal à imaginer Henri II abandonnant facilement la plus petite parcelle de son pouvoir !
Henri II Plantagenêt a, quant à lui, passé la quasi-totalité de l’année 1167 sur ses terres continentales. Depuis deux années, les relations entre les rois de France et
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