Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
l’emmena pour le confier aux soins d’un homme d’expérience qui l’envoya rapidement à l’étranger apprendre les autres langues et commencer sans attendre l’étude des livres. ... ] une fois qu’il eut commencé, il y appliqua son esprit et son zèle avec une énergie telle qu’il vint à bout de plus de livres dans ce temps réduit qu’aucun enfant avant ou après lui. Il passait aussi de longues heures à jouer d’instruments à corde de différentes sortes, persévérant du matin au soir, jusqu’à ce qu’il fut habile à en user. Il passait tout son temps à apprendre, telle chose un jour, telle autre le lendemain, et là où il était bon une année, il devint meilleur l’année suivante. ... ] Tristan apprit en outre à chevaucher avec le bouclier et la lance, à éperonner habilement sa monture sur chaque flanc, à la lancer au galop avec fougue, à lui faire exécuter des voltes, à lâcher les rênes et à la guider des genoux, en parfait accord avec les règles de la chevalerie. Il se divertissait souvent en maniant l’épée, en luttant, en courant et en sautant, en lançant le javelot, et faisait toutes choses au mieux de sa force et de son habileté {59} . »
Le mot « tournoi » évoque spontanément une joute individuelle, l’image d’un chevalier affrontant un adversaire monté sur un cheval magnifiquement enharnaché, revêtu d’une armure scintillante sur laquelle il a passé une tunique de couleur vive à ses armoiries et la tête protégée d’un haubert couronné de plumes ; les deux hommes foncent l’un vers l’autre, lances pointées jusqu’au choc d’une violence extrême qui fera tomber l’un des deux chevaliers, offrant à l’autre une victoire qu’il dédiera à la dame de ses pensées. Dans les grandes lignes, cela a existé deux siècles après Aliénor et Henri. Les tournois de l’époque des Plantagenêt sont en réalité des guerres ou des batailles en miniature pendant lesquelles s’affrontent des « équipes » de chevaliers. Les tournois sont apparus en Anjou, le berceau des Plantagenêt, vers 1060, et ont connu un essor remarquable dès le début du XIIe siècle. Ils sont pour les guerriers, les chevaliers, un moyen de s’entraîner, de récolter des honneurs, de se faire remarquer, en un temps où l’on fait moins la guerre et où, Henri en sera un exemple marquant, les princes commencent à préférer avoir recours à des compagnies de mercenaires. Faire carrière militaire devient plus problématique à partir du moment où il y a moins de champs de bataille et où l’on ne fait pas appel à vous ; heureusement il reste les croisades et les tournois.
Ces tournois sont de véritables institutions. On évoque la « saison des tournois », hors des périodes de trêve imposées par le calendrier liturgique. Ils se déroulent sur de vastes terrains, de préférence recouverts de lande, souvent situés entre deux châteaux distants de quelques kilomètres. Sur ces terrains s’affrontent des équipes. Il n’est pas question de combats singuliers et la plupart des historiens considèrent que les femmes n’assistaient pas au tournoi ; ce qui leur aurait par ailleurs été très difficile car il n’y avait sans doute pas d’endroit où l’on pouvait embrasser l’ensemble des manœuvres. Les équipes de chevaliers sont conduites par un capitaine et les meilleurs s’arrachent à prix d’or. Guillaume le Maréchal était reconnu comme le meilleur capitaine de son temps et on se battait pour faire partie de son équipe. Ces équipes s’affrontent dans des mini-guerres dont le but n’est pas forcément de « tuer » ses adversaires — bien que ces tournois soient très meurtriers — mais avant tout de faire prisonnier un membre de l’équipe adverse pour obtenir de lui une rançon, ou récupérer un maximum d’armes et de chevaux. Les destriers sont l’outil le plus important du chevalier et les meilleurs valent des fortunes, entre trente et cinquante livres, ce qui représente le revenu annuel d’une petite seigneurie.
La vie de ces chevaliers de tournois nous est connue dans le détail par l ’Histoire de Guillaume le Maréchal qui date du début du XIIIe siècle et sert de base à la biographie que Georges Duby a consacrée au futur régent d’Angleterre {60} . Henri le Jeune a été le « propriétaire » de l’une de ces équipes dont le Maréchal était le capitaine. C’est une vie de célibataires, souvent âpres
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