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Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Titel: Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain-Gilles Minella
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emblème et incarner ce mouvement. Personne ne peut mesurer l’influence exacte d’Aliénor, mais il est sûr qu’elle exista.
    La période du retour à Poitiers de la duchesse est marquée par un rapprochement avec ses enfants. Elle renoue avec les deux filles qu’elle a eues avec le roi de France, Marie et Aélis, qui séjournent probablement à plusieurs reprises à la cour de Poitiers. La seconde, Aélis, entrera plus tard au monastère de Fontevraud et l’on peut imaginer, avec Régine Pernoud, qu’elle a tenu une place très particulière dans le cœur de sa mère. Celle qui ressemble le plus à Aliénor dans sa passion pour les Lettres est Marie, la comtesse de Champagne. C’est à sa cour que Chrétien de Troyes écrira Perceval et l’on pense également que c’est elle qui lui commanda le Conte de Lancelot ou le Chevalier de la Charrette où s’exprime jusqu’à son absolu le culte de la Dame : par amour pour la reine Guenièvre, Lancelot accepte jusqu’au déshonneur d’être vaincu et de passer pour un lâche. Le deuxième fils d’Aliénor, Richard, est lui aussi un poète, tout comme son arrière-grand-père, Guillaume IX. Deux de ses œuvres sont parvenues jusqu’à nous dont l’une, particulièrement émouvante, composée durant sa captivité, au retour de croisade. Nous savons également que le futur Cœur de Lion dédiera des œuvres à Marie de Champagne, sa « comtesse-sœur ». À la cour de Poitiers, passe également le troisième fils d’Henri et Aliénor, Geoffroy, comte de Bretagne qui, notons-le au passage, appellera son fils Arthur. Lui aussi participe à des festivités « courtoises ». Il échange notamment des répons avec le troubadour Gaucelm Faidit, une sorte de poème à deux voix qui se répondent l’une l’autre. Un de leurs thèmes nous est connu : lorsqu’un amant a réussi à conquérir sa dame et qu’elle lui fait l’honneur de le recevoir en privé, doit-il l’« honorer » au début de la rencontre ou à la fin ? En l’occurrence, nous sommes un peu loin de l’image sublimée de la dame et ce genre de thème apporte de l’eau au moulin des historiens qui soutiennent que les troubadours étaient loin de n’être que des « purs esprits ».
    La lyrique des troubadours est intimement liée à un autre phénomène important de la seconde moitié du XIIe siècle : la chevalerie. Henri et Aliénor ont légué à l’histoire, au travers de leurs deux fils aînés, deux figures qui incarnent à merveille cette « culture » : Richard, le roi-chevalier, ainsi que l’a qualifié Jean Flori, et Henri le Jeune, el jove rey, que tous ses contemporains ont regardé comme le symbole même du prince courtois. Ils sont tous les deux la synthèse du combattant, donc d’une certaine virilité, et en même temps du poète et de l’amoureux. Car trop souvent, un Moyen Âge de carton-pâte hérité d’une certaine vision des romantiques nous a donné l’image stéréotypée du poète éthéré, alangui sur son luth, en opposition avec le guerrier, soudard violent et rustre. Entre les deux, une demoiselle très jolie est amoureuse du poète, le plus souvent sans le sou, mais contrainte à épouser le soldat qui se trouve être le seigneur du lieu. C’est une conception très romantique de l’artiste, née précisément au XIXesiècle. La réalité du XIIesiècle est tout autre. Les joutes verbales des troubadours sont le pendant littéraire des joutes à coup de lance, d’épée et de hache, où s’affrontent les chevaliers. Il suffit d’entendre les vers du grand poète troubadour Bertrand de Born pour comprendre à quel point les deux « activités » sont liées :
    ... et j’ai grande allégresse
    quand je vois en campagne rangés
    chevaliers et chevaux armés.
     
    Il me plaît quand les coureurs
    font gens et bétail s’enfuir ;
    il me plaît de voir leur courir sus
    force guerriers, tous ensemble ;
    Il plaît surtout à mon cœur
    de voir châteaux forts assiégés,
    enceintes rompues et effondrées,
    de voir l’armée sur le bord,
    tout autour de fossés enclos
    et de lices aux forts pieux serrés.
     
    Il me plaît aussi le seigneur
    quand le premier il se lance à l’assaut,
    sur son cheval armé, sans frémir
    pour faire les siens enhardir
    de son vaillant courage...
     
    Je vous le dis : rien n’a pour moi saveur,
    ni manger, boire ou dormir,
    autant que d’entendre crier : « En avant   »
    des deux côtés et

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