Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
le Capétien. Le dispositif avait plutôt bien fonctionné pendant une quinzaine d’années même si, au cours de cette période, en 1144 les Plantagenêt s’étaient emparés de la Normandie.
L’union d’Aliénor et d’Henri bouleverse l’équilibre qui protégeait la couronne de France. Louis VII comprend qu’il lui faut agir très vite pour manifester son autorité. Sa première réaction concerne l’ordre féodal : Aliénor est vassale du roi. Elle aurait dû lui demander son consentement pour épouser un autre de ses vassaux. Il dénonce le mariage et les convoque devant sa cour. Inutile de préciser que les nouveaux mariés ne se préoccupent même pas de répondre à cette injonction. La deuxième réaction est d’ordre militaire : Louis VII veut frapper fort. Le non-respect de la coutume féodale en est le prétexte. Un maigre prétexte, et le roi le sait, car sa protestation et sa convocation ne sont pas juridiquement fondées ; il s’agit davantage d’une coutume relevant d’une sorte de gentlemen’s agreement, que d’une loi intangible.
C’est une période où la féodalité se cherche encore ; bon nombre de ce qui deviendra ses lois, us et coutumes ne sont pas définitivement établis. Sur ce point, la seconde moitié du XIIe siècle est une période charnière. Conçu au départ comme un système essentiellement militaire, le système féodal va devenir un outil de gestion de la société en termes juridiques, fiscaux et politiques. Henri et Aliénor pour l’empire angevin, Louis VII du côté français, joueront un rôle dans cette codification d’un droit féodal et nous verrons qu’Henri particulièrement saura en utiliser les vides juridiques.
À l’été 1152, la nécessité d’agir, pour Louis VII, ne se situe pas dans la simple volonté de faire respecter son droit de suzerain ; la vraie raison est ailleurs. Il réunit une coalition comprenant Eustache de Boulogne, le comte Henri de Champagne, le comte du Perche, Robert de Dreux – son propre frère – et le jeune Geoffroy d’Anjou – récemment fait chevalier par Thibaud de Blois – que son frère Henri avait sans scrupule écarté de l’héritage paternel et qui, on peut le comprendre, nourrissait contre lui une rancœur certaine. Le but des coalisés était de s’emparer de la Normandie, de l’Anjou et de l’Aquitaine, rien de moins ! Autrement dit : tordre définitivement le cou aux ambitions d’Henri. Clairement, tout le monde comprenait le danger que représentait le jeune homme et l’on s’inquiétait de le voir mettre la main sur le trésor aquitain. Il semble même, si l’on en croit le chroniqueur Robert de Torigni, que les coalisés, sûrs de leur victoire, s’étaient déjà partagé les dépouilles du Plantagenêt. Informés des préparatifs menés dans le Cotentin par Henri pour traverser la Manche, ils avaient choisi d’attaquer à la fin du mois de juin, espérant qu’à cette date le duc de Normandie aurait pris la mer ou serait sur le point de le faire, ce qui l’empêcherait d’organiser rapidement une riposte.
Louis VII lance son offensive dans la dernière semaine de juin. La nouvelle parvient à Henri, alors à Barfleur, où il est arrivé vers le 20 juin. Il apprend qu’il est attaqué sur deux fronts. L’armée des coalisés a franchi l’Epte, un affluent de la Seine qui marque la frontière entre la Normandie et le Vexin français, et mis le siège devant la forteresse de Neufmarché. Dans le même temps, les partisans du jeune Geoffroy Plantagenêt attisent des révoltes en Anjou et en Touraine. Neufmarché finit par tomber entre les mains de Louis VII et de ses alliés mais a résisté suffisamment longtemps pour anéantir l’effet de surprise sur lequel le roi comptait. Contrairement aux prévisions des coalisés, Henri réunit en hâte des troupes et quitte Barfleur le 16 juillet. À marche forcée, il se dirige vers l’est du duché. Prudemment Louis VII décide de se retirer à Chaumont-sur-Oise. Il ne souhaite pas affronter directement l’armée du duc qui a surpris les coalisés par la rapidité de ses mouvements ; il avait pénétré dans le Vexin normand appartenant au roi, incendiant toutes les places fortes fidèles à Louis VII. Les coalisés tentent une riposte vers la mi-août en attaquant Pacy-sur-Eure mais Henri avait été informé de leurs intentions et les a devancés dans la ville. À nouveau Louis VII choisit d’éviter
Weitere Kostenlose Bücher