Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
particulier pour le pouvoir. Le roi se résigne alors à prendre la seule décision raisonnable : le 6 novembre 1153, par le traité de Wallingford, il reconnaît Henri Plantagenêt comme héritier. Son second fils, Guillaume, prend la place d’Eustache à la tête du comté de Boulogne. L’acte est solennellement ratifié à Winchester par une assemblée de seigneurs anglais et normands. Un mois plus tard, le roi Étienne et son héritier désigné font ensemble une entrée triomphale dans Londres. La population en liesse manifeste bruyamment son soulagement de voir ainsi se terminer trente années de déliquescence et de chaos. Le roi n’est plus qu’un vieil homme résigné attendant la mort. À côté de lui, Henri sait tout ce que cache la ferveur populaire, que redresser le pays sera une lourde tâche. Pour l’instant il n’a qu’à s’y préparer car il a été convenu entre les deux hommes qu’Étienne gouvernerait jusqu’à sa mort ; il conserve en quelque sorte la couronne en « viager ». Dès lors, le duc de Normandie n’a plus qu’à attendre patiemment la mort du roi.
Henri sait que le soutien de la population lui sera nécessaire dans les mois qui suivront son accession au trône, notamment face aux anciens partisans du roi Étienne. Il « soigne » son image en faisant un geste spectaculaire. Il donne l’ordre à ses hommes de restituer aux populations les butins dont ils s’étaient emparés au cours d’une action menée dans la région d’Oxford : « Je ne suis pas venu pour me livrer à des rapines, mais pour soutenir les biens des pauvres contre la rapacité des grands. » Le futur roi ne se prend pas pour Robin des Bois – le personnage sera inventé bien plus tard –, il fait seulement preuve d’un sens très affirmé du symbole et du geste marquant.
6 Préparatifs
Henri ne s’attarde pas sur l’île. Tant que le roi Étienne est vivant il n’a rien à y faire. Il traverse la Manche et retourne sur le continent, pressé de rejoindre sa femme dont il est séparé depuis plus d’un an. Il est d’autant plus pressé que, depuis six mois, il a un héritier qu’il n’a pas encore vu. Le 17 août 1153, Aliénor avait mis au monde un garçon que l’on appelle Guillaume. Par le choix de ce prénom qui avait été celui du père et du grand-père de la duchesse et aussi celui du fameux conquérant, ancêtre d’Henri, l’union de leurs deux familles était scellée.
L’année 1153 avait apporté au couple tout ce qu’il pouvait désirer ; un héritier et la promesse d’une couronne. Que rêver de plus ? Dans les premiers mois de l’année, pendant qu’Henri guerroyait en Angleterre, Louis VII avait bien tenté quelques attaques de diversion en Normandie dans le but de soulager Étienne de Blois. À trois reprises, allié au comte de Flandres, le Capétien avait attaqué des places fortes, Vernon avait même fini par tomber entre ses mains, mais jamais ces actions n’avaient détourné Henri de son dessein. Il avait tout simplement dédaigné de répondre lui-même aux provocations de son rival français. Et pour comble d’humiliation, Louis VII avait appris que son ex-femme avait donné à Henri, à peine un an après l’avoir épousé, cet héritier qu’elle n’avait pas su lui donner pendant quinze ans de mariage.
Aliénor a passé l’année 1153 à Angers. Elle s’est installée sur les terres d’Henri probablement dès les premières semaines de l’année. Charge à elle d’administrer les terres continentales du couple – à l’exception de la Normandie « réservée » à Mathilde, la mère d’Henri – pendant que son mari s’occupe des affaires d’Angleterre. Cela nous montre la manière dont le couple s’est organisé et la confiance que le duc de Normandie a en sa femme. Ce n’est pas depuis chez elle, en Poitou, mais dans la ville de son mari qu’elle gouverne ses possessions personnelles ainsi que celles d’Henri. Le Plantagenêt lui confère ainsi une véritable autorité sur son domaine propre – l’Anjou, la Touraine et le Maine –, plus importante que celle qu’il a sur les territoires d’Aliénor. Autrement dit, il la fait accepter et reconnaître par ses vassaux, ce qui n’était pas encore vraiment le cas, le concernant, pour les vassaux aquitains de son épouse. Situation remarquable et moment privilégié dans la vie du couple qui va évoluer, Henri récupérant progressivement l’autorité sur
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