Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
importantes car elles rythment la vie du couple. L’étendue de l’empire qu’ils vont gouverner leur impose un mode de vie nomade. C’est le lot de tous les grands féodaux et des souverains de l’époque car il faut consommer sur place les productions locales – les méthodes de conservation, en dehors de la salaison, n’existent pas –, ce qui oblige à aller d’un château l’autre. Pour Henri et Aliénor, ce nomadisme va prendre des proportions jamais atteintes jusque-là en raison de l’étendue de leurs domaines. Au cours des années qui viennent, ils vont sans cesse se croiser : lorsque Henri est en Angleterre, Aliénor est sur le continent, et vice versa. Mais presque tous les ans, ils se retrouvent pour les fêtes de Noël – pour Pâques aussi quand ils le peuvent – et tiennent leur cour ensemble. C’est l’occasion de réunir autour d’eux barons, prélats, poètes, jongleurs… Le roi et la reine sont des lettrés et apprécient les jeux de l’esprit. Tout au long de ces années, de cour en cour, Noël ou Pâques, nous verrons notamment se développer, se préciser et se « codifier » la légende arthurienne, la poésie des troubadours, l’amour courtois. C’est pourquoi il n’est pas inutile d’insister sur l’importance et le rôle de ces rendez-vous annuels que se donnent Henri et Aliénor, ces cours qu’ils tiennent ensemble. Accessoirement, cela permet aussi de faire des enfants !
Les fêtes de Noël 1155 à Bermondsey sont donc l’occasion pour Henri et Aliénor de faire le point. D’autant qu’ils vont se séparer à nouveau dans quelques jours, et cette fois-ci Henri ne restera pas sur l’île, il retourne sur le continent. Depuis plus d’un an, il s’occupe exclusivement de remettre de l’ordre dans le royaume d’Angleterre, il est grand temps d’aller voir ce qui se passe de l’autre côté de la Manche. Des bruits courent que son frère Geoffroy s’agite en Anjou. Les souverains anglais ont eu tout le temps de réfléchir aux difficultés qu’allait engendrer le gouvernement de leur vaste domaine, ils savent qu’ils ne maintiendront leur autorité qu’au prix d’une présence physique dans chaque État. Heureusement, la mobilité convient au tempérament du Plantagenêt et l’administration par délégation pendant l’absence du suzerain à celui d’Aliénor. Henri doit donc se rendre sur le continent. Il a l’intention d’y rencontrer Louis VII. L’entrevue est prévue pour février sans doute en Normandie.
Hormis l’état de l’Angleterre qui doit rester pour eux une préoccupation même s’ils peuvent légitimement se réjouir de la rapidité avec laquelle les choses semblent rentrer dans l’ordre, un point commence à mobiliser leur esprit : la conquête de l’Irlande.
Un événement imprévu s’est déroulé à Rome à la fin de l’année 1154, alors même qu’Henri et Aliénor s’apprêtaient à recevoir la couronne d’Angleterre. Un nouveau pape a été élu qui porte le nom d’Adrien IV. L’élection d’un souverain pontife est toujours un événement, particulièrement en ces temps où les rapports entre pouvoir temporel et spirituel sont en pleine élaboration. Mais, c’est important pour Henri et Aliénor : ce pape est anglais. C’est même, aujourd’hui encore, le seul Anglais à avoir jamais chaussé les souliers de saint Pierre.
Décidément, les Plantagenêt ont toutes les chances ! Comment ne pas penser qu’un Anglais sera plus sensible aux problèmes d’Angleterre et aura naturellement tendance à regarder avec bienveillance tout ce qui viendra de son pays, et bien entendu de son roi ? Louis VII n’a sans doute pas dû apprendre la nouvelle avec joie. Comme Henri et Aliénor, il sait que les années à venir seront marquées par un risque permanent d’affrontement entre les Plantagenêt et lui. Et le pape y jouera certainement un rôle.
Adrien IV, de son nom Nicolas Breakspear, était né dans une famille pauvre du Bertfordshire. Il avait fait ses études en France. Entré dans un monastère près d’Avignon il en était devenu prieur et avait fait preuve d’un sens très ferme de la discipline. Trop, sans doute, puisqu’il avait connu une violente opposition au sein de son monastère et avait été obligé de quitter Avignon pour l’Italie. Il avait été repéré par Eugène III qui appréciait le savoir et la rigueur morale de ce moine anglais. Il s’était attaché ses services et lui
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