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Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Titel: Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain-Gilles Minella
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conscience des ravages que son caractère emporté peut causer. Aliénor le tempère ; ce sera aussi le cas du chancelier. Thomas, pourtant très diplomate, est aussi un homme capable d’une rigidité dogmatique qui lui vient sans doute de ses études mal ou pas finies. Nombre des biographes du futur archevêque attribuent à cette rigidité une part importante dans la brouille qui va intervenir entre les deux hommes. Thomas fait partie de ces gens qui peuvent manquer de recul et, plus grave, d’intuition.
    À l’inverse d’Henri, il n’est pas né pour gouverner, il n’a pas cette certitude profonde d’être à sa place. Certes, c’est souvent un avantage – et ça l’a été pendant les premières années de leur collaboration, les « années chancelier » – mais cela peut aussi quelquefois se transformer en handicap. Devenu archevêque, Thomas s’arc-boutera sur le dogme sans savoir toujours adopter ses déclarations et ses attitudes aux situations dans lesquelles il se trouve parce que, au fond, il n’avait pas la connaissance profonde de ce dogme qu’il n’a étudié que superficiellement ; une année à Bologne ne fait pas un spécialiste du droit canon.
    On peut comprendre assez facilement que le tandem Henri-Thomas ait fasciné les historiens tout en leur posant un réel problème de compréhension. Car le plus séducteur n’est pas forcément le plus séduisant, le plus riche n’est pas celui qui le montre avec ostentation, le plus « parvenu » n’est pas celui que l’on croit, et le plus obstiné n’est pas celui qui apparaît le plus imbu de son pouvoir.
    Le lien apparent entre ces deux personnalités complexes et dissemblables est leur passion commune pour la chasse au faucon. C’est au cours de longues chevauchées solitaires qu’ils se retrouvent, qu’ils se parlent hors de tout témoin. La première grande passion d’Henri est le pouvoir. La seconde est la chasse et très précisément cette chasse au faucon venue d’Orient. C’est la seule chose capable de détourner le roi de l’exercice du pouvoir. Henri II, dont le sens de l’économie va parfois jusqu’à l’avarice, dépense sans compter quand il s’agit d’assouvir sa passion. Le roi est un des rares hommes de son époque à pousser l’amour de la chasse et des animaux jusqu’à posséder sa propre ménagerie. Pour satisfaire sa passion, Henri donne la possibilité à ses sujets de payer leur redevance en éperviers ou en gerfauts qui viennent enrichir l’oisellerie royale entretenue par un grand nombre de fauconniers. Il entretient une armée de garde-chasse qui veillent sur les immenses forêts royales regorgeant d’animaux, daims, ours, gibiers de toute sorte.
    Aliénor a certainement vu arriver avec inquiétude Thomas Becket dans l’entourage de son mari. Cela lui rappelle de mauvais souvenirs. Louis VII était très proche de Suger, cet autre grand commis de l’État que le Capétien avait « hérité » de son père. La reine et l’abbé ne s’étaient pas entendus. Elle avait réussi à l’éloigner dans un premier temps mais il était revenu pendant la croisade et avait ensuite conservé sa place auprès du roi de France qui, dans le même temps, éloignait sa femme du pouvoir. La situation allait-elle se reproduire ? Aliénor y a sûrement pensé. Elle a mûri, elle n’est plus une jeune fille capricieuse et écervelée. Elle connaît les contingences du pouvoir. Ils ont eu le temps, Henri et elle, de réfléchir à la difficulté de gouverner un territoire qui s’étend des Pyrénées jusqu’à la frontière de l’Écosse. Pour cela il faut des relais. Le poste de chancelier d’Angleterre en est un et des plus importants. Il est indispensable de ne pas se tromper sur l’homme qui va l’occuper. Thomas recueille les suffrages de tous, et sans doute également de la reine. Je ne peux pas croire qu’Henri ne l’ait pas consultée sur ce choix. Ce n’est pas un problème de compétences, c’est un problème humain. L’amitié d’Henri et Thomas va-t-elle diminuer l’influence d’Aliénor sur son mari ? Elle s’est très probablement posé la question. Mais on ne répète pas forcément, dans la vie, les mêmes situations. La reine est plus sûre d’elle. L’Aquitaine est importante pour le roi et elle en est incontestablement la duchesse, reconnue et respectée. Cela compte. Comme compte également le fait qu’elle lui a donné deux enfants mâles. De plus, si Thomas

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