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Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Titel: Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain-Gilles Minella
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peut l’imaginer ressortant de la pièce sur la pointe des pieds, un sourire de soulagement éclairant son visage.
    Il y a quelques enseignements à tirer de l’histoire. Tout d’abord n’oublions pas que les deux chroniqueurs – Guillaume de Canterbury et Guernes de Pont-Sainte-Maxence – qui rapportent cette aventure écrivent alors que Thomas a été assassiné et que l’ombre de cette mort pèse sur le roi. Le but, tout en soulignant la piété du futur archevêque, est aussi de montrer la « dépravation » du roi. On peut aussi en déduire que la belle Avice, sachant les liens d’amitié qui unissaient le roi et son chancelier, cherchait à être dans les bonnes grâces de ce dernier. Ou bien qu’elle agissait en service commandé, qu’Henri n’était pas jaloux et que sachant les compétences de la dame, il souhaitait qu’elle procure un peu de détente bien méritée à son chancelier surmené. Ou encore, dernière hypothèse, que le roi cherchait à « éprouver » la fidélité de son chancelier… qu’il lui tendait un petit piège amical en quelque sorte. Car il est bien entendu qu’une histoire de femme ne pouvait entacher une si belle et si profonde amitié. Toutes ces supputations pour montrer diverses interprétations que l’on peut faire à partir d’une simple anecdote qui n’est relatée que par deux chroniqueurs. Elle est pourtant reprise par tous les historiens qui y voient une démonstration du « couple » étrange que formaient aux yeux de leurs contemporains le roi et son chancelier.
    Guillaume Fils Étienne relate une autre anecdote qui montre combien les rapports entre les deux hommes semblaient détendus et joyeux. On y voit également un Henri facétieux, détendu et plein d’humour ; c’est suffisamment rare pour qu’on le remarque. La scène se passe dans une rue de Londres. Les deux hommes chevauchent côte à côte, devisant gaiement, plaisantant ou parlant des affaires de l’État – l’histoire ne le détaille pas. Ce jour-là, Thomas porte pour la première fois un somptueux manteau d’écarlate et de petit-gris. Henri, comme à son habitude, doit être habillé de vêtements quelconques, probablement usés et sans formes. Le roi aperçoit au loin, marchant vers eux, un vieux mendiant, dont l’apparence fait peine à voir. Il le signale à son chancelier en lui faisant remarquer qu’il serait certainement heureux d’avoir un manteau neuf à la place de ses haillons et que lui en donner un serait faire preuve de charité chrétienne. Thomas répond qu’il en est tout à fait d’accord et que ce serait une belle action, digne d’un roi. Le mendiant arrive au niveau des deux cavaliers. Évidemment il ne les reconnaît pas. Henri lui demande si un nouveau manteau lui ferait plaisir. L’homme se méfie, craint une provocation ou au mieux une plaisanterie… il hésite. Henri se retourne vers son chancelier : « Puisque c’est une grande preuve de charité, c’est à toi d’en prendre l’initiative », et aussitôt il agrippe Thomas pour lui enlever le vêtement. Thomas résiste. Ils se retrouvent rapidement à s’empoigner comme des chiffonniers devant une foule de plus en plus nombreuse. Quelques seigneurs les reconnaissent, on essaie de savoir ce qui se passe, éventuellement de s’interposer : ils redoublent de vigueur au point de manquer de tomber de leurs chevaux. Finalement c’est Henri qui a le dessus, il s’empare du manteau et le donne au mendiant qui n’en croit pas ses yeux. Le roi explique ce qui s’est passé à l’assistance qui s’est augmentée de quelques hommes de son entourage. On rit beaucoup de cette bagarre de gamins – comme ils s’entendent bien ces deux-là ! –, et Thomas se retrouve croulant et hilare sous un tas de manteaux que les courtisans s’empressent de lui offrir pour remplacer celui dont le roi vient de le délester. Bien sûr, l’histoire fait le tour de Londres et, si l’on en croit son biographe, ne fait qu’ajouter encore à la popularité de Becket.
    À y regarder de plus près, malgré tout ce que les hagiographes du futur archevêque pourront dire, dans ce couple formé par le monarque et le chancelier, le plus malléable n’est pas celui auquel on peut penser de prime abord. Sous des dehors autocratiques, Henri sait être un séducteur, charmer son auditoire et faire preuve d’une certaine souplesse pour arriver à ses fins qui, elles, sont immuables. L’homme a également

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