Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
avait confié quelques missions délicates. Il s’était notamment fait remarquer par son action en Scandinavie où il avait, si l’on en croit son biographe, « donné la paix aux royaumes, des lois aux barbares, la quiétude aux monastères, l’ordre aux églises, la discipline au clergé et un peuple d’odeur agréable à Dieu {27} ». Adrien IV était à la fois un réformateur, conscient que l’Église devait évoluer, et aussi un homme d’ordre. C’est peut-être la raison principale pour laquelle les cardinaux l’avaient élu. Il était temps de mettre fin à l’« aventure républicaine » d’Arnaud de Brescia qui tenait toujours Rome et faisait peser une menace permanente sur la papauté. Quelques mois après l’élection d’Adrien IV, la chose était faite. Le nouveau pape utilisa pour cela une arme assez peu ecclésiastique : le « blocus économique ». Profitant de l’agression d’un cardinal dans Rome par des « républicains », Adrien frappa la ville d’interdit à l’approche de la Semaine sainte avec pour conséquences de priver les habitants de cérémonies religieuses – ce que les Romains pouvaient à la limite supporter – et d’empêcher la venue traditionnelle de pèlerins en nombre considérable pendant cette période, privant du même coup la ville et ses commerçants d’une énorme manne financière, ce qui était beaucoup plus difficilement acceptable. Le sénat romain, sous la pression de la foule, s’empressa de négocier avec le pape qui exigea l’expulsion d’Arnaud de Brescia et de ses partisans. Ce dernier quitta la ville et se dirigea vers le nord de l’Italie. Sur son chemin il rencontra l’empereur Frédéric Barberousse qui lui descendait vers Rome pour se faire couronner par le pape. Arnaud l’encombrait, il l’arrêta et le livra au préfet de Rome qui le fit promptement condamner et exécuter.
En un an, Adrien avait restauré le pouvoir pontifical dans la Ville sainte et aussi sur le Saint-Empire romain germanique. Le pape anglais aimait que les choses soient en ordre et de préférence sous l’autorité de l’Église. Il ne pouvait pas ne pas se préoccuper du cas de l’Irlande, en proie au plus grand désordre et sur laquelle l’Église n’exerçait plus aucune autorité. Rome s’inquiétant sérieusement de la situation. Henri II, se rappelant que son ancêtre Guillaume le Conquérant avait envahi l’Angleterre avec la bénédiction du pape, considéra que la situation lui permettait de faire valoir ses visées sur l’île voisine ; après tout, il n’en était pas à une couronne près !
En septembre 1155, après sa campagne galloise réussie, il réunit les barons à Winchester et leur fait accepter le principe d’une invasion de l’Irlande. Reste à obtenir l’« imprimatur » d’Adrien IV. Le 9 octobre une ambassade quitte Londres pour Rome. Composée avec soin, cette ambassade est menée par Jean de Salisbury, promu en 1154 secrétaire de l’archevêque de Canterbury et surtout ami personnel du nouveau pape ; ils s’étaient rencontrés pendant leurs études à Paris. Salisbury a une mission « officielle », obtenir l’accord du pape pour l’invasion de l’Irlande, et une autre, plus officieuse, liée à l’entrevue que doivent avoir Henri II et Louis VII. En décembre 1155, l’ambassade anglaise a rejoint la cour pontificale. Les négociations vont durer deux mois et on peut penser qu’Henri et Aliénor sont tenus régulièrement informés de leur évolution. Car Adrien IV n’a pas l’intention de donner un blanc-seing au roi d’Angleterre sans contrepartie. Il connaît la situation de l’Église en Angleterre, la liberté qu’elle a acquise sous Étienne et il est sans aucun doute informé des velléités d’Henri de réduire ces libertés. Le roi a besoin du pape pour l’Irlande, ce dernier va donc « monnayer » son soutien. Les négociations sont ardues mais finalement l’envoyé d’Henri et Aliénor réussit. Dans son traité de logique Metalogicus, Salisbury écrit que, sur ses instances, le pape Adrien IV « concéda à l’illustre roi des Anglais, Henri II, la possession de l’Irlande à titre héréditaire comme en fait foi une bulle pontificale. On dit en effet que toutes les îles dépendent de l’Église romaine : ce droit antique remonte à Constantin qui fonda et dota sa puissance temporelle. Par mon intermédiaire le pape adressa [à Henri II] un anneau d’or
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