Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
des principes de la féodalité est la reconnaissance de l’autre. Les liens se tissent dans les deux sens : je te reconnais pour mon vassal et tu me reconnais comme ton suzerain. Et la notion d’autorité est pyramidale avec au sommet le roi. Si celui-ci reconnaît un prince comme son vassal pour un territoire, tous les vassaux du prince dans ce territoire sont obligés de le reconnaître pour leur suzerain… c’est une sorte de réaction en chaîne qui ne tient que sur la parole donnée.
Pour Louis VII, que le jeune roi d’Angleterre reconnaisse sa suzeraineté sur l’ensemble de ses territoires continentaux est un acquis considérable qui vaut bien d’abandonner le jeune Geoffroy Plantagenêt à son sort de cadet déshérité. Le Capétien accepte l’hommage du Plantagenêt. Un statu quo s’installe qui ressemble non à une paix armée mais à une sorte de « paix ferme ». Aucun des deux n’est dupe : ils ne pourront manquer de s’affronter un jour ou l’autre.
Apparemment, Henri semble le plus grand bénéficiaire de l’accord. Renforcé par l’hommage fait au roi de France, il va pouvoir resserrer son emprise sur l’ensemble de ses territoires continentaux. Il est encore plus le « maître » de son empire naissant. Et Louis, bien qu’il ait obtenu par cet hommage la garantie que le roi d’Angleterre ne menacerait pas les possessions de la couronne – ce qui est loin d’être négligeable quand on a si peu de moyens financiers donc si peu de moyens guerriers que le roi de France ! –, peut passer pour celui qui s’est incliné devant la puissance du Plantagenêt. C’est une analyse à court terme. La réalité est plus subtile. Par cet hommage, qu’il ne pouvait éviter, Henri s’est lié les mains. Quoi qu’il fasse désormais sur ses terres continentales, il y aura au-dessus de lui l’autorité féodale du roi de France. Et lui-même, étant roi et « bénéficiant », pour l’autorité de sa propre couronne, du principe de soumission féodal, devra réfléchir s’il veut affronter directement son suzerain de France car il ouvrira de facto la porte à une attitude semblable de la part de ses vassaux anglais. Le serment d’allégeance féodal est un cadre extrêmement contraignant.
À l’issue de l’entrevue, Henri Plantagenêt, duc de Normandie et d’Aquitaine, comte d’Anjou, de Poitou et du Maine, fait donc hommage au roi de France de l’ensemble de ses territoires continentaux. Il retourne ensuite à Rouen et propose à son frère de le dédommager très largement en argent pour la perte de son héritage. Ce dernier n’entend pas se laisser faire, réunit une petite armée de fidèles et commence à s’emparer de villes et de places fortes angevines. Henri réagit avec la rapidité qu’on lui connaît. Il se précipite en Anjou avec son armée. Quelques semaines de bagarres et Geoffroy, enfermé dans la ville de Loudun, capitule en juillet. Il accepte de renoncer à ses droits contre une très confortable rente annuelle de trois mille livres. Le frère d’Henri serait à ce moment-là sorti de l’histoire si, quelques mois plus tard, les Nantais ne l’avaient choisi comme leur nouveau comte. Nul doute qu’Henri ait intrigué pour cela. Profitant de querelles dynastiques au sein de la maison de Bretagne, les habitants de Nantes, à l’automne 1156, destituent leur comte, Hoël, fils du duc de Bretagne Conan III, et appellent Geoffroy d’Anjou pour le remplacer. Les Angevins caressaient depuis plusieurs décennies l’idée de s’emparer de l’embouchure de la Loire, le fleuve traversant leurs terres, c’est maintenant chose faite… sans avoir recours aux armes et sans entrer en conflit avec la puissante famille de Bretagne puisque ce sont les habitants de Nantes qui ont choisi. Belle opération ! Cela suffit à comprendre qu’Henri ne pouvait pas être étranger à la bonne fortune de son frère. Car bien évidemment Geoffroy, malgré les ressentiments légitimes qu’il peut avoir envers son aîné, reste dans la sphère d’influence du Plantagenêt. Il a besoin de sa puissance pour se maintenir si le duc de Bretagne décide de reprendre Nantes. Tout cela équivaut à faire entrer la ville – et surtout son port avec les richesses que cela suppose – dans l’empire d’Henri et Aliénor.
L’affaire nantaise réglée, Henri se dirige vers les États aquitains et Bordeaux. La reine l’a rejoint et le couple passe les fêtes de Noël dans
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